Seychelles

La Digue, ainsi soit île

La Digue, ainsi soit île

Miracle. Cette miniature des Seychelles reste à l’abri du monde et de ses urgences. Bordée de plages somptueuses et animé par un village de carte postale, elle joue les belles insouciantes. Ne jamais résister à son appel.

 

A quelques encablures de Praslin, le plus célèbre refuge touristique de l’archipel aux 115 îles (une vingtaine seulement sont habitées), voici La Digue, un confetti des tropiques comme les bambins à l’âme voyageuse en rêvent sur les bancs de l’école. Pour débarquer ici, une seule solution, le bateau. Oublions les quelques pressés qui exigent l’hélicoptère, c’est possible. Il faut voir grossir cette terre improbable depuis le bastingage d’un voilier de location ou bien avec la navette maritime qui vient de Praslin, 20 minutes de mer. Savourer l’impression d’intégrer le panthéon des aventuriers, de mettre le cap sur la destination dont on n’aura pas forcément envie de revenir. C’est un peu vrai. Car une fois débarqué et le dernier bateau reparti, à 17h30, le voyageur intègre la communauté des Diguois chaque soir coupée du reste du monde. Mahé, l’île capitale des Seychelles n’est qu’à une quarantaine de kilomètres mais à trois heures minimum de voyage, une éternité à l’aune des valeurs de l’océan Indien. Excellente nouvelle puisque ceux qui pointent sur l’unique ponton du petit port le font justement pour s’installer à l’écart des affaires ordinaires. Gagné.

Un couple sur leur bateau a la Digue

 

Char à bœufs et bicyclette

Sa géographie est simple : 5 km de long, 3 de large, une route cabossée qui n’en fait pas tout le tour et une autre route de traverse qui escalade la colline centrale. Elle culmine à un peu plus de 330 mètres et la gravir pour découvrir la plage grandiose de Grande Anse exige quelques beaux coups de mollet. Les visiteurs optent pour la bicyclette, le moyen de transport local le plus adapté. Avant qu’une poignée de voitures (dont plusieurs taxis) soit admise à La Digue, la circulation se réduisait aux chars tirés par des bœufs. Ils existent encore, même si désormais ils contribuent plus au folklore qu’ils n’assurent un véritable service public.

Autour du port s’est développé un village, La Passe, moins de 2 000 habitants sur les 2 500 que compte l’île. Plusieurs supermarchés, des banques, chacune son distributeur de roupies seychelloises, quelques boutiques, des restaurants, le commissariat, le bureau de poste… Mais surtout, la merveilleuse nonchalance des îles, ses pas chaloupés, les plaisirs de la rencontre. Inutile de consulter sa montre, le temps n’a strictement aucune importance, et ne jamais hésiter à entamer la conversation. La couleur du ciel, la pêche de la nuit, le tempérament des vagues, l’école des enfants, le vent d’aujourd’hui…, suffisent à alimenter tous les partages. Parfois, on jurerait que les enfants de Robinson se sont installés ici pour l’éternité.

Une famille sur la plage de la digue

Dans ce contexte, les hôtels de grand standing qui font ailleurs la réputation des Seychelles ont oublié La Digue. Le Domaine de l’Orangeraie fait figure d’exception avec ses 55 villas auto-décrétées « havres de paix et de sérénité ». Les autres établissements, bien plus modestes, tressent une ceinture de bon accueil tout autour de l’île dont les sites sont désignés par les criques qu’ils bordent : anse Patatran, anse Banane, anse Sévère, Grande anse, anse Coco, sans oublier la plus célèbre de toutes, anse Source d’Argent. Une merveille d’esthétique nature, un tapis de sable semé d’énormes blocs de granite, gris ici, rose là-bas, plissé comme un voile ou rondouillard et poli, les photographes en redemandent.

Cette anse et sa plage régulièrement élue parmi « les plus belles du monde » détiennent sans doute le record des shootings de mode version maillots de bains et voiles légers. Seul bémol, son accès est payant, environ 10 euros, un racket infligé aux étrangers peu compatible avec la tradition tout sourire de l’hospitalité seychelloise. Le natif de La Digue et ancien ministre du Tourisme, Alain Saint-Ange, s’est emparé du dossier. Les sommes récoltées servent officiellement à l’entretien du petit parc national  qui borde Source d’Argent. Des plantations, une ferme modèle, un enclos à tortues centenaires, un moulin à coprah, justifieraient la cotisation touristique. Soit. Heureusement, la beauté saisissante des lieux redonne vite le sourire aux contributeurs.

 

Bar de pirate

D’autres plages méritent la visite. En particulier celle de Grande Anse où se trouve un bar digne d’une légende de pirate. Bière glacée ou noix de coco percée d’une paille, chacun son style mais pieds dans le sable pour tout le monde. En profiter pour demander au patron seychellois de l’estaminet si les conditions de baignade sont propices. Ce n’est pas toujours le cas et les courants sous-marins peuvent être traitres, même à quelques brasses du rivage. Attention donc. Même observation et charme identique sur la voisine, Petite Anse, ainsi qu’un peu plus loin, 20 minutes de marche à suivre un chemin de sable, anse Coco. Une piscine bleu marine dessinée juste en bord d’océan, presque toujours déserte. On dirait le monde initial. De l’eau, le soleil, du sable, la lumière éclatante, l’envie de plonger. Sirène ou dauphin, naïade et son beau matelot. Et si on oubliait les maillots ?

Une homme sur son bateau

 

 

Par

JEAN-CHANIAL

 

 


Photographies : ©Malte Jaeger/LAIF-REA ©Thomas LINKEL/LAIF-REA ©Malte Jaeger/LAIF-REA ©Malte Jaeger/LAIF-REA ©Thomas LINKEL/LAIF-REA