Suède

Le train du cercle polaire : la traversée de la Suède à bord de l’Inlandsbanan

Le train du cercle polaire : la traversée de la Suède à bord de l’Inlandsbanan

La ligne de chemin de fer de l’Inlandsbanan traverse la Suède dans toute sa longueur pour rejoindre la Laponie. Le train mythique parcourt des territoires aux étendues immenses sur près de 1300 kilomètres, fendant des paysages parmi les plus photogéniques du continent européen, jusqu’à Gallivare, à 50 kilomètres au-dessus du cercle polaire. Le voyageur qui accepte de prendre son temps y vit le dépaysement de façon palpable, en même temps qu’il appréhende l'immensité du territoire suédois. Un voyage contemplatif, dans un pays où la fierté de prendre le train porte un nom, le tagskryt, pour découvrir la Suède de l’intérieur.  
 

 

La voie intérieure 

 

L’Inlandsbanan est un train ancien : la ligne a été créée à la fin du XIXe siècle afin de désenclaver les régions du nord, riches en ressources naturelles, notamment le bois des forêts. Inlandsbanan signifie « la voie de l’intérieur » – la ligne de chemin de fer traverse la Suède dans toute sa longueur, par l’intérieur des terres, loin de la mer Baltique, à travers des régions très peu habitées, parmi les moins densément peuplées d’Europe. Mais la ligne, entièrement achevée en 1937 (les travaux furent retardés par la Première Guerre mondiale et la récession d’après-guerre), périclite à partir de 1960, concurrencée par le développement des routes et l’essor de la voiture individuelle. En 1992, la ligne est entièrement fermée. Mais en 2012, elle ouvre à nouveau à la suite de la mobilisation des habitants des communes qu’elle dessert, et doit depuis sa survie au trafic touristique. En été, l’Inlandsbanan parcourt désormais les 1299 kilomètres entre Mora et Gallivare en deux jours, avec des départs quotidiens. Le reste de l'année, la voie est utilisée pour l’activité de fret liée à l’exploitation forestière. 
 
L’Inlandsbanan, c’est un autorail composé de seulement deux petits wagons rouge et blanc, comme on n’en voit plus. Le train dépasse rarement les 80 kilomètres/heure : un rythme propice à la contemplation, qui s’accorde avec le charme bucolique des paysages de l’arrière-pays suédois. Ce sont de vastes étendues de lacs bordés de pins sylvestres et d’épicéas, de grandes forêts de bouleaux, des paysages plats, à la douce monotonie, qui invitent à la rêverie. Et si les territoires traversés demeurent aujourd’hui très peu peuplés d’humains, ils sont habités d’ours, de rennes, de loups, de hiboux, que l’on guette par la fenêtre du train.

 

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Une traversée de la Suède 

 

À Stockholm, on prend d’abord le pouls de la capitale, qui est à l’image du pays : élevée sur un archipel, lovée entre la Baltique et le lac Mälar, elle est tout entière enchâssée dans la nature. Ses habitants ont adopté un mode de vie la fois écolo et hédoniste. Des plages sont aménagées en centre-ville et tous les foyers ou presque disposent d’un bateau pour caboter à la sortie du métro. On s’accorde vite à la pulsation de la ville et on parcourt à vélo ses rues aux élégantes façades, aux clochers vert-de-gris, aux immeubles esprit Art Nouveau ou romantiques « Swedish Grace ». À vélo ou en kayak, on passe d’île en île, des quartiers historiques aux villages branchés, de Gamla Stan à Södermalm, de Ostermalm à Kungsholmen.   
 
On rejoint ensuite Mora, au nord-est du lac Siljan, au cœur de la Dalécarlie – la ville est célèbre pour la Vasaloppet, la course de ski de fond la plus populaire de Suède, qui a lieu chaque année au mois de mars. On flâne dans ses ruelles où s’alignent les petites maisons peintes en rouge, on visite les tombes vikings qui s’égrènent autour de la ville. En gare, le vieil autorail rouge et blanc détonne parmi les trains modernes à grande vitesse. On prend place à bord. Par la fenêtre, les paysages défilent à 80 kilomètres/heure : des lacs et des forêts de pins et de sapins à perte de vue, parfois quelques collines qui donnent un peu de rondeur aux paysages. Sur sa route, la voie ferrée traverse nombre de petites et grandes rivières qui se frayent un chemin vers la Baltique. Le conducteur klaxonne pour avertir les animaux sauvages du passage du train.  
 
Bientôt, c’est Östersund. On fait une halte d’une journée dans la ville ceinte de lacs et de montagnes. Ici, on croise plus de rennes que de voitures ! Le soir, on part sur la rivière en canoë sous le soleil de minuit. On embarque à nouveau le lendemain matin et bientôt les paysages changent, se font plus rudes, plus austères, seulement parsemés de minuscules fleurs mauves, avec à l’horizon les roches charriés par des glaciers anciens. On traverse les paysages de toundra où les éleveurs Sami font pâturer leurs rennes. Quelques kilomètres avant d’arriver à Jokkmokk, le train marque un arrêt au passage du cercle arctique polaire, pour une halte photo obligatoire. À Jokkmokk, à 1250 km de Stockholm, une maisonnette en bois peinte en rouge fait office de gare. Un peu plus loin, dernière étape du périple en train et terminus de la ligne, Gällivare est un haut-lieu de la culture des Sami, l’un des derniers peuples autochtones du Grand Nord, dont les membres se déplacent depuis des millénaires au gré des saisons pour élever leurs rennes sur les terres arctiques. 

William Fonteneau / Unsplash.com

 

En pratique  

 

Pour qui ? 

Pour les amateurs de chemin de fer, de grands espaces et de temps suspendu. 

 

On y va quand ? 

On peut emprunter l’Inlandsbanan entre juin et août. En été, le train circule tous les jours entre Mora au sud et Gällivare au nord, en passant par Östersund.

 

C’est encore loin ? 

La traversée du sud au nord entre Mora et Gällivare en passant par Östersund prend deux jours. Le train roule à une vitesse moyenne de 50 kilomètres/heure et ne dépasse jamais les 80 kilomètres/heure. Il faut compter 7 à 8 jours de périple, en ouvrant le voyage à Stockholm et en le clôturant à Kiruna, ville arctique à l’extrême nord du pays. Première étape : Mora à Östersund, environ 320 km, 5 heures. Après une halte d’une journée à Östersund, on embarque le lendemain pour une deuxième journée de train jusqu’à Gällivare : 690 km, 10 heures.

 

Par

MARION OSMONT

 

Photographie de couverture : Peter Van Der Meulen / Unsplash.com