Chine

Pékin ou Shanghai ? Duel au sommet

Pékin ou Shanghai ? Duel au sommet

La Chine ne fait pas exception à la règle : ses deux principales villes, distantes de 1 318 km (4h30 à bord du TGV local) se disputent le premier rang de l’empire depuis la nuit des temps. Comme Marseille et Paris, Saint-Pétersbourg et Moscou, New York et Washington (ou San Francisco et Los Angeles), le nord contre le sud, le pouvoir politique versus la puissance économique, les arts et la finance, esprit de sérieux d’un côté, joyeux drilles de l’autre… Irréconciliables, même au temps de l’empereur, des comptoirs ou de la Révolution culturelle. Tant mieux, cela signifie que la Chine du jour offre deux visages. Alors, Pékin ou Shanghai ? Laquelle choisir ?

 

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Quand on arrive en ville

Il faut 10 heures de vol direct pour rejoindre Pékin, autant que pour atterrir à Shanghai, au départ de Paris. Plusieurs fois par jour, ces liaisons sont assurées par Air France ainsi que par les compagnies chinoises Air China et China Eastern Airlines. Avec les transporteurs du Golfe, escale obligée dans une des capitales de la région. Il y a 6 heures de décalage horaire entre la France et Pékin ou Shanghai. Attention : visa obligatoire (126 € en août 2018). L’aéroport de Pékin, 22 millions d’habitants est à 30 kilomètres du centre, compter une bonne heure et 25 € en taxi. Celui de Shanghai, 25 millions d’habitants, se trouve à une quarantaine de kilomètres du centre, soit une grosse heure de trajet en taxi et 35 € environ. Pas d’inquiétude, l’arnaque est rare dans un pays toujours dirigé par le Parti Communiste et assez peu clément avec ses tricheurs.

Verdict : égalité

Petite fille à l'aéroport de Shanghai

Stephanie Tetu

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Premier coup d’œil

Wahou, la foule ! Le trajet en taxi permet d’appréhender la réalité des 1,4 milliard habitants du pays. La ville en est l’illustration la plus spectaculaire avec ses trottoirs bondés, sa circulation dense (oui, les vélos ont pratiquement disparu) et ses quartiers d’habitation, bouquets de tours sans le moindre charme architectural, pressées les unes contre les autres. Pékin vient d’inaugurer son septième périphérique, chacun correspondant à une strate de développement urbain, sachant que le premier qui correspondait aux murailles de la Cité Interdite (17 kilomètres) n’existe plus. Cette nouvelle boucle autoroutière file sur 950 kilomètres en faisant le tour de l’agglomération à une soixantaine de kilomètres de son centre… On compte 5 millions de voitures dans la capitale. Quant à Shanghai, six fois plus étendue que Paris, elle joue sur le même registre, embouteillages, foule, immensité. A un argument près, son centre dont l’architecture historique (bâtiments de l’ère coloniale, XIXème et début du XXème siècle) a été très correctement préservée. Par ailleurs, les rives de la rivière Huangpu qui traverse la ville lui offrent un cachet unique.

Verdict : avantage Shanghai

Rooftop de Shanghai

Cyrus Cornut/Dolce Vita/Picturetank 

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Drôle d’ambiance

Est-ce l’éternelle différence entre gens du nord et ceux du sud ? Pékin semble cultiver l’esprit de sérieux, petits pas pressé, masques anti-pollution omniprésents, costumes gris et voitures aux vitres teintées. De son côté, Shanghai affiche volontiers sourires, sort les cabriolets et les robes fleuries. Il est vrai que la météo de la première (hiver glacé) ainsi que l’effroyable nuage gris qui l’enveloppe calment vite les ardeurs. A l’inverse, la seconde peut connaitre des étés caniculaires. Dans les deux cas, ne pas espérer une quelconque complicité avec les Chinois, peu curieux des étrangers de passage. Noter que hors hôtels, rares sont ceux qui parlent anglais.

Verdict : avantage Shanghai

ambiance dans les rues de Shanghai

Tuul et Bruno Morandi

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Dans de beaux draps

Avec 6,4 millions de visiteurs étrangers l’an passé, Shanghai est la plus courtisée des villes chinoises. Pékin suit à distance avec environ 5 millions de fans. Pour mémoire, les Français comptent pour moins de 500 000 entrées dans le pays. Bonne nouvelle, le parc hôtelier est à la mesure de cette fréquentation. Palace des grandes chaînes internationales, immeubles historiques aménagés en établissements très chics, petits hôtels de charme, adresses dernier-cri en matière d’architecture et de décoration…, l’éventail hôtelier de Pékin comme celui de Shanghai couvre toutes les catégories. Au pire accordera-t-on à Pékin le privilège des maisons de grande tradition ainsi que d’autres futuristes. Et à Shanghai celui des réhabilitations 100% charme, en particulier sur les berges de la Huangpu.

Verdict : égalité

Chambre d'hôtel en Chine

Vue Hou Hai Beijing

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Et on mange quoi ?

L’étendue du pays, 9,6 millions de km², plus de 17 fois la France, laisse imaginer la diversité des gastronomies locales. Chaque recoin, chaque ville, chaque région, la sienne. Pour faire simple, à Pékin les saveurs de terroir, à Shanghai celles de la mer. Aromatisées avec les herbes, ici du nord, là-bas du sud. Sans oublier le riz et les nouilles, omniprésentes, pas plus que les deux formats de la cuisine actuelle, celle toute simple qui est préparée sur le trottoir et celle, très chic servie dans un décor sophistiqué, qui intègre les recettes occidentales. Dans les deux villes, la table accepte le grand écart, la soupe fumante touillée sur le trottoir par une mamie sans âge, le repas concocté par un maître étoilé, les traditionnels canards laqués ou boulettes farcies aux crevettes, les scorpions grillés comme les viandes faisandées et les beignets en tous genre. Les adresses locales ne prennent pas de réservation, on s’installe quand une chaise se libère. Le spectacle ne doit pas couper l’appétit, on crache moins qu’avant à même le sol mais on continue d’y jeter os de poulets, serviettes usagées et bouteilles vides… A Shanghai, les manières occidentales ont généré de nombreux restaurants aussi branchés qu’à Paris, Manhattan ou Berlin. Tarifs à la mesure et réservation obligatoire. Savoir enfin que le repas de base coûte très peu cher (bien moins de 10 euros), qu’on se met à table tôt dans toute la Chine (dîner entre 18 et 20 heures) et que la bière locale reste le meilleur accompagnement possible (vins locaux peu convaincants, vins étrangers hors de prix).

Verdict : avantage Shanghai

On mange quoi en chine

Ola Lundqvist / Fotolia.com 

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Savantes visites

Pékin joue la carte de l’histoire. Elle est grandiose, au moins à l’abri de la Cité Interdite, 100 hectares de mémoire d’empire. Une grande journée ne suffit pas à tout voir, à s’émerveiller du palais de l’Harmonie préservée, celui de la Pureté céleste ou de la porte de la Prouesse divine, des murailles rouges, des plans d’eau, des jardins… Avant de filer vers le temple des Lamas ou celui du Ciel. Sur un autre registre, découvrir l’étonnant Dashanzi 798, un ancien quartier de garnison pour l’Armée rouge devenu refuge pour artistes déjantés qui exposent leurs créations devant leur atelier. Enchanteur. Tout comme Sanlitun, un quartier juste sorti de terre où Pékin fait la démonstration de son urbanisme dernier cri. Enfin, impossible de ne pas traverser la place Tian’anmen, 44 hectares (cinq fois la place de la Concorde de Paris) dont une face est bordée par l’entrée sud de la Cité interdite, la porte de la Paix céleste, surmontée du portrait géant de Mao. Photo s’il vous plaît. Shanghai propose bien un musée, une merveille posée en face de l’opéra au bout de la plus célèbre de ses avenues, Nankin Road. Mais pour le reste, c’est vive la vie en en ville ! La visite passe forcément par l’ancienne concession française et ses pagodes d’un autre temps, le jardin Yu, exceptionnel pour les mains vertes, la rue Nankin donc, large artère piétonne invariablement bondée, les quais aménagés en immense promenade pour familles, amoureux, joggers, rollers… les gratte-ciel plantés sur l’autre rive… Pour la pause, s’installer sur l’un des roof-tops en bordure de rivière. La jeunesse locale adore, champagne et caviar, look de top model et de golden boy, selfie et carte de crédit noire. On peut se contenter d’une bière glacée.

Verdict : avantage Pékin

Les visites à faire à Pékin

Olivier Dekeyser/Picturetank

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Rayon shopping

Pour rappel, revenir de son voyage la valise chargée de contrefaçons est très mal vu des douaniers de CDG. Lunettes, vêtements, maroquinerie et bagages… Difficile de résister lorsqu’on parcourt les allées des immenses centres, des immeubles entiers, dédiés à la copie, dressés à Pékin comme à Shanghai. Cela dit, ils ont beaucoup moins de succès depuis que la jeunesse chinoise s’entiche de vrai, surtout quand il est vendu très cher. En avoir les moyens est un signe de réussite, donc de bonheur. La preuve à Pékin dans le quartier Sanlitun où cohabitent toutes les grandes griffes du luxe occidental. Hymne au modernisme, boutiques à la décoration bluffante et rush des belles habillées comme des stars de magazines. Même observation à Shanghai au Hang Lung Plaza, sur Nankin Road. Ici, les préceptes de Virgil Abloh, l’icône de Louis Vuitton qui milite pour le street wear chic, habillent déjà des armées de fashionistas prêtes à dépenser un mois de salaire de papa pour leur prochaine soirée. Bref, ringard le faux. Pour le reste, difficile de trouver un semblant d’artisanat de qualité. Les splendides porcelaines de jadis, les papiers peints et les vraies peintures à l’encre ont pratiquement disparu des étals. Même le grand marché du week-end de Pékin (Panjiayuan) a perdu de sa superbe. Il mérite quand même le détour, tout comme sur la rue Fangbang de Shanghai. On en repartira avec un bracelet de jade, une chemise de soie, des baguettes en (faux) ivoire, une boite finement laquée et mille objets du quotidien, bols, verres, service à thé, dragons et Bouddhas miniatures (ou pas), mini-poteries… dont on ne se servira jamais. Souvenirs dûment identifiés d’un superbe voyage en Chine !

Verdict : égalité

Boutique en chine

Tuul et Bruno Morandi

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Un tour alentour

Impossible de rater la Grande muraille quand on séjourne à Pékin. Une soixantaine de kilomètres séparent la capitale de cet ouvrage classé parmi les merveilles du monde. On en visite quelques tronçons joliment restaurés, longue promenade de pierre qui ondule avec les collines, ponctuée de tours de guet, de casemates et d’anciens entrepôts militaires. Impressionnant quand on pense qu’elle s’étire sur plus de 10 000 kilomètres. Pareillement, inutile de manquer la visite des tombeaux des Mings à une cinquantaine de kilomètres au nord de Pékin où sont enterrés treize empereurs (1368-1644). Le site voisine avec celui qui garde les tombeaux des Qing (1644-1911). Bonne occasion de revisiter l’histoire de l’empire. A Shanghai en revanche, pas d’excursion lointaine à prévoir puisque la principale curiosité se situe sur la rive droite de la rivière Huangpu. Pudong et ses airs de Manhattan, un impressionnant bouquet de gratte-ciel au look plutôt réussi. La Perle de l’Orient, tour de télévision qui culmine à 468 mètres de hauteur, dominée par la Shanghai Tower, 632 mètres et 128 étages, le « décapsuleur » (un nom tiré de sa silhouette), centre financier de 492 mètres, etc. Vertige assuré, émotion esthétique en prime. Autrement, il faut pousser 60 kilomètres au-delà de la ville, vers Zhouzhuang, charmante bourgade posée au bord d’un lac et percée de nombreux canaux. Les voitures comme les immeubles y sont interdits. On y flâne en barque comme à pied, entre maisons anciennes et jolis temples. Les Chinois adorent aussi. La ville est donc très touristique, mais son romantisme n’en est pas altéré.

Verdict : avantage Pékin

Grande muraille de Chine

Guo Zhongxing/XINHUA-REA

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L’addition, s’il vous plaît

Dans les deux villes, même plaisir de prix très en deçà des additions dont nous avons l’habitude en France. Attention toutefois : les hôtels étoilés alignent désormais leurs tarifs sur les critères internationaux. Et les lieux à la mode (bars et restaurants en particulier), très courus, coûtent presqu’aussi cher que leurs homologues occidentaux.

Verdict : égalité

Femme devant un magasin en chine

Laurent Villeret/Dolce Vita/Picturetank 

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Rayon insolite

Malgré le vent violent de modernisme qui souffle sur les deux villes, chacune garde une institution millénaire : appelons-la « Le Salon des mariages ». D’autres préfère parler du « Marché des célibataires ». Ce Meetic à l’ancienne défie les siècles. A Pékin, direction le parc du temple du Ciel où la cérémonie se déroule chaque matin. A Shanghai, viser la place du Peuple, le samedi à la fraîche. Sur ces deux lieux s’installe une longue file de parents bien mis, munis d’une simple feuille de papier qu’ils tiennent à la main et tendent aux passants. Pas de photo, juste les informations essentielles sur la fille ou le fiston qu’on souhaite marier : âge, taille, niveau d’étude, travail, loisirs, etc. D’autres parents, également en quête de future union pour leurs enfants, examinent les profils. Et, si affinité, engagent la conversation. Mariage arrangé ? Oui. Pour deux raisons au moins. D’abord, le légitime souhait des parents de caser leur rejeton, sachant qu’il est traditionnellement suspect de ne pas avoir de bague au doigt après 25 ans (fille) ou 30 ans (garçon). Ensuite, le souci de l’avenir, les enfants étant invités à prendre en charge leurs parents âgés. Pas de discussion, on ne revient pas sur les vertus de la tradition.

Verdict : égalité

couple a shanghai

 Laurent Villeret/Dolce Vita/Picturetank 

 

Par

JEAN-PIERRE CHANIAL