Notre rédactrice en chef Valérie Expert et ses invités, échangent autour de la culture, l’Histoire, les paysages, et idées de voyages hors des sentiers battus au Canada. Avec la participation de Maud Marchal, spécialiste du Canada chez Voyageurs du Monde, Patrice Caradec ancien dirigeant de nombreux voyagistes et passionné par le Canada, Michel-Yves Labbé, fondateur de Départ Demain grand connaisseur du Canada, et Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde.
L’autre Far West
“Il n’y a pas que le Québec au Canada, on va imaginer des séjours au Nouveau Brunswick, en Nouvelle Ecosse, même à Terre-Neuve avec ses petites maisons colorées accrochées aux paysages escarpés… On peut aussi aller côté ouest sur l’île de Vancouver, remonter la Sunshine Coast, le long de la Colombie Britannique”, c’est par ces suggestions prometteuses que Maud Marchal répond à la question de Valérie Expert sur la possibilité d’une concurrence entre Etats-Unis et Canada. La réponse est oui, en particulier sur les grands espaces comme le Yukon. “Le Yukon, c’est le délire”, commente Jean-François Rial. Il raconte sa réaction la première fois qu’il a vu des photos du pays de la ruée vers l’or : “C’était des paysages inouis que je n’avais vus ailleurs, à part peut-être en Islande ou en Nouvelle-Zélande”. Mais aux yeux de Valérie Expert, cela semble très loin. “Pas tant que ça, la rassure Patrice Caradec, grace aux vols directs pour Calgary ou Vancouver. C’est comme ça qu’on a rendu accessible ce qu’on appelle l’autre Far West”.
Une appellation que Jean-François Rial conteste : “Plus que l’autre Far West, c’est tout simplement le Far West car c’est beaucoup moins “civilisé” que l’Américain”. “C’est un peu comme l’Alaska, surenchérit Michel-Yves Labbé en vantant les mérites d’un combiné Yukon/Alaska, “au Yukon, il y a des villes extraordinaires comme Whitehorse et Dawson City, la ville de la ruée vers l’or. Vous avez encore des orpailleurs qui trouvent de l’or. Vous pouvez remonter le Klondike, vous arrivez à la Bonanza, et vous avez l’El Dorado - ce sont des noms de flipper ! - “ Les rires ont à peine le temps de fuser parmi les invités de Valérie Expert que Michel-Yves Labbé enchaîne sur la “Top of the World highway”, une des routes les plus au nord de la planète. “Elle monte de Dawson City jusqu’en Alaska avec des panoramiques magnifiques. On y voit même le Mont Denali pourtant à 500 km de là”. Près de Whitehorse, il mentionne aussi les chutes Regina, “d’une beauté extraordinaire” et accessibles en hydravion.
Sans oublier les chiens de traîneaux. Maud Marchal évoque la fameuse Yukon Quest : “Ca démarre maintenant, une course de chiens de traîneaux entre Whitehorse et Fairbanks, de nuit comme de jour, sur plus de 1300 km, un peu sur les traces de l’explorateur Nicolas Vannier…”.
En famille au Canada
Le Yukon est un voyage exceptionnel, certes, mais si on veut partir en famille et en été, Michel-Yves Labbé suggère l’île de Vancouver : “Commencez par Victoria, une ville formidable. Après, vous traversez l’île et vous allez à Tofino, un petit bled incroyable au bord du Pacifique. Vous faites les baleines le matin et l’après-midi, vous avez les ours !”. Apparemment, on peut même les voir prendre leur “petit déjeuner” sur la plage : “on les observe en zodiac, après avoir coupé le moteur, ils prennent leurs petits crabes dans les rochers”, décrit Maud Marchal qui partage l’avis de Michel-Yves Labbé sur la côte ouest en famille: “Comme ça, on a le côté montagne qui se termine sur le Pacifique, on a la promenade des glaciers à Banff et Jasper, une croisière sur le lac Maligne, on peut aller voir Spirit Island, prendre les canaux ou même grimper à la Teahouse du lac Agnes”. Michel-Yves Labbé poursuit en proposant un itinéraire familial hors des sentiers battus car “Vancouver, Calgary, il y a quand même du monde qui fait ça !”. Il conseille de monter par Calgary dans la vallée de la Skeena à la découverte de la civilisation amérindienne, puis de descendre jusqu’à Prince Rupert, d’y prendre un ferry pour Port Hardy sur l’île de Vancouver, de faire un petit crochet baleines/ours à Tofino et, via Victoria, de reprendre le ferry pour Vancouver. “Vous avez fait un voyage extra et vous pouvez retourner à Calgary à travers les plaines où le climat est extrêmement doux. Il y a des vergers, des lacs, les enfants vont se régaler, faire du canoë, du kayak. Vous avez tout : le spectacle de la nature, la culture amérindienne, la navigation”. Maud Marchal et Michel-Yves Labbé ne tarissent pas d’étapes truculentes dans l’ouest canadien. Pourtant, qui dit grands espaces, dit temps mais tous les invités de Valérie Expert s’accordent à dire que deux bonnes semaines suffisent pour un seul voyage. Car comme Jean-françois Rial le précise, “Aux Etats-Unis comme au Canada, il y a plein de voyages alternatifs, hors des sentiers battus. Ce sont des pays à multiples facettes”…
Aller au Canada pour les gens et les activités
… dont une facette humaine de taille ! “Vous allez rencontrer des gens qui ont non seulement le sens du service, le goût de leur pays mais aussi la connaissance et l’amour de la nature”, constate Patrice Caradec avant de s’émerveiller des activités que les Canadiens sont capables d’organiser. “Je n’ai jamais vu ça en France ou ailleurs… L’itinérance avec des enfants, ce n’est pas toujours facile mais voilà un pays qui a tout compris !”. Cet amoureux du Canada entraîne son auditoire dans une expérience vécue et inoubliable : “On arrive avec des traîneaux à chiens sur un lac gelé, on voit sur le lac un feu avec un foyer énorme, de 4 m de diamètre ! Mais qu’est-ce que c’est que ce feu directement sur la glace ? On pêche et on sort des poissons les uns après les autres. Une poêle est posée directement sur le feu pour qu’on puisse manger les filets de truite. On nous sort même le petit verre de vin blanc qui va avec ! C’est incroyable de vivre ça. Vous êtes en pleine nature, il fait - 15 degrés, il y a une cabane en bois qui apparaît, vous rentrez et il y a un gars qui a déjà préparé la soupe !”.
Une expérience qui n’étonne pas Maud Marchal : “Beaucoup de nos clients veulent aller au Québec pour rencontrer ces fameuses personnes, gentilles, accueillantes, chaleureuses auxquelles on a envie de parler”. Un goût du service et un accueil qui ne sont pas seulement québécois : “Dans une ville totalement bilingue comme Montréal, vous êtes aussi bien servi par des francophones que des anglophones. Ca fait bizarre, surtout quand vous êtes européen et particulièrement parisien ! Ils ont le goût des autres. On est même gêné de sortir d’une boutique sans avoir acheté quoi que ce soit”, constate Patrice Caradec. Maud Marchal ajoute qu’avec l’anniversaire cette année des 150 ans du Canada, “les Canadiens sont fiers de montrer leur pays et leurs provinces”. Plus pragmatique, Michel-Yves Labbé révèle que les parcs nationaux -qui vont des parcs naturels à toutes sortes de monuments- seront gratuits toute l’année ! Il ajoute que le taux Dollar Canadien Euro est aussi particulièrement avantageux.
Sur la gentillesse, Jean-François Rial confie “qu’il n’a jamais vu un peuple aussi sympathique dans le monde entier, une gentillesse profonde quel que soit le statut social”.L’humour, aussi, l’a marqué : “Les Canadiens, surtout les Québécois sont très drôles. Ils ont des expressions de folie, qui ne sont qu’à eux”. D’ailleurs Patrice Caradec en profite pour en glisser une: “Quand on veut dire que quelque chose est ennuyeux, on dit c’est “plate” et je suis sûre que cette expression vient de la traversée des grandes prairies ! “. Car les hôtes de Valérie Expert ont raison de le préciser, tout ne vaut pas le détour au Canada, surtout les grandes plaines du Québec et du Saskatchewan, “à moins qu’on soit un amoureux des céréales”, plaisante Patrice Caradec. Pourtant, Jean-François Rial cite un bel exemple d’agro-écologie : la ferme des Quatre Temps, “une ferme incroyable avec des rendements qui explosent et ils pourraient nous montrer la voie de l’agriculture mondiale de demain. Passionnés d’écologie, il faut aller voir cette ferme !”.
Incontournable Québec
Une chouette adresse québécoise qui ramène les auditeurs dans cette province canadienne, chère aux Français et qui attire toujours plus de 80% de nos compatriotes. Maud Marchal propose un petit séjour Montréal, Québec, cantons de l’est où il fait bon aller chiner car “il y a pas mal de brocanteurs, d’artistes locaux du côté de Sherbrooke, on peut aussi prendre des paniers pique-nique, faire la route des vins”… Jean-François Rial inclut dans un itinéraire québécois un bout des Etats-Unis : “Je vous conseille un voyage génial : Montréal, Québec, Boston, New York, c’est très agréable, on a un dépaysement permanent”. Michel-Yves Labbé met son grain de sel en suggérant l’ordre Montréal, New York, Boston, Québec, “comme ça, on a la baie de l’Hudson en plus !” Quant à Patrice Caradec, il vante à plusieurs reprises les mérites de la Mauricie qu’il affectionne particulièrement.
Valérie Expert rabat ses invités vers Montréal, une ville qui pour Patrice Caradec résume bien la différence, voire la rivalité entre Canada anglophone et francophone : “Quand vous êtes à Montréal, les Américains qui viennent pensent qu’ils sont quasiment en Europe et les Européens, eux, se croient en Amérique du Nord !”. Il parle aussi du changement récent de la ville et cite l’exemple de Griffintown, un ancien faubourg ouvrier devenu le “Shoreditch” de Montréal : “Vous y avez des lofts, des ateliers d’artistes et les meilleurs restos de la ville sont désormais là-bas”.
Les bémols de la cuisine et de l’hébergement
La conversation évolue naturellement vers la cuisine, un sujet qui fâche : “Il ne faut pas aller au Canada pour la cuisine canadienne : ça n’existe pas !”, s’exclame Jean-François Rial. Valérie Expert conteste fermement : “Mais si, ça existe ! Mes plus beaux repas de Noël, c’était au Québec : la cuisine familiale avec des plats comme les fèves au lard, des haricots cuits dans des grands pots de terre”. On entend un invité se moquer et parler de tajine québécoise. Mais Valérie Expert ne se démonte pas, elle parle de tourtières, de produits de grande qualité que l’on trouve notamment au fameux marché Jean Talon de Montréal. “Mais il s’agit de produits, pas de cuisine”, rétorque Jean-François Rial. Patrice Caradec défend la position de Valérie Expert : “Vous trouvez aujourd’hui des restaurants à Montréal, à Québec et dans toutes les grandes villes avec des chefs canadiens, qui vous offrent une expérience gastrononique remarquable !”. De la cuisine, on passe à l’hébergement que tous critiiquent. “Il y a quand même de beaux hôtels, tous ceux de la Canadian Pacific par exemple”, révèle Michel-Yves Labbé. Patrice Caradec, lui, évoque la chaîne Hôtellerie Champêtre “qui a quelques belles adresses comme l’Auberge le Baluchon ou encore l’Auberge du Lac à l’Eau Claire. On ne va pas au Canada pour la qualité de l’hébergement, mais ce n’est pas pour ça qu’on n’y revient pas !”, conclut-il.
La carte postale : Un petit bout de France bien loin du Québec
C’est une carte postale itinérante que Michel-Yves Labbé offre aux auditeurs de Radio Voyageurs du Monde. Un road-trip en Nouvelle-Ecosse, anciennement Acadie, d’où les colons français furent chassés au 17ème siècle par les Anglais suite au traité d’Utrecht. Seule une île reste française jusqu’en 1763 : “celle du Cap Breton, plus vaste que la Corse et qui héberge en son coeur un immense lac, e lac du Bras d’Or qui rappelle un peu les bouches du Kotor au Monténégro”, décrit Michel-Yves Labbé. Autour de l’île, les côtes sont escarpées, les falaises battues par les vents et à Louisbourg trône une forteresse à laquelle on peut accéder en bateau. “Là, dans ce bout du monde américain, on découvre Saint-Malo, une petite ville avec une soixantaine de maisons parfaitement conservées, entourées de remparts. Vous débarquez, vous avez des habitants qui vous accueillent en costumes d’époque du 17ème comme des sujets du Roi Soleil. Même la soupe aux pois - enfin la recette - est d’époque ! ”, raconte Michel-Yves Labbé avant d’avouer que la forteresse en question fut quasiment détruite par les Anglais et que le Gouvernement canadien la fit reconstruire au milieu du siècle dernier pour occuper les ouvriers des mines de charbon locales qui avaient fermé les unes après les autres. “Un peu plus loin, il y a aussi un musée que j’adore, celui de Marconi, le monsieur qui a inventé la radio et c’est là à la pointe de l’île que Marconi a effectué la première retransmission radiophonique de l’histoire, en 1901”, poursuit Michel-Yves Labbé. Pour finir en beauté, il emmène les auditeurs faire un tour sur “une des plus belles routes du monde, la Cabot Trail : 300km de pure splendeur en passant par des villages aux noms familiers de “Petit Etang”, “Belle Manche”, “Terre Noire”, des tavernes où des panneaux précisent qu’on y parle français. Vous trouverez des descendants d’Acadiens à l’hospitalité proverbiale et à l’accent si charmant”. La carte postale fait ensuite voyager vers la baie de Fundy, celle des plus hautes marées du monde. “Deux fois par jour, on assiste au phénomène extraordinaire du mascaret : sous la force de la marée, le cours du fleuve s’inverse ! Ce sont des merveilles à ne plus savoir où poser les yeux et un petit bout de France bien loin du Québec”. Quant à l’hébergement, pas d’inquiétude, Michel-Yves Labbé recommande un petit hôtel boutique près de Louisbourg, The Birches.
Quant aux lectures pour préparer son voyage au Canada, Valérie Expert suggère Les Chroniques du Plateau Mont Royal de Michel Tremblay, la romancière québecoise Gabrielle Roy et Les Fous de Bassan d’Anne Hébert.