Au Vietnam, le train Vietage embarque ses passagers pour une expérience intemporelle – une lente traversée de la pittoresque campagne vietnamienne, qui renoue avec le luxe du voyage ferroviaire d’antan en même temps qu’il inaugure un nouveau type de voyage durable.
Au Vietnam, le Vietage propose de renouer avec le voyage ferroviaire de luxe. Il transporte les voyageurs entre la cité de Da Nang et la ville côtière de Quy Nhon, dans un confort absolu. Le voyage s’ouvre à Hoi An. Avec ses maisons à colonnades, ses volets bleus et ses idéogrammes, la ville mêle et juxtapose les influences chinoises, japonaises, néerlandaises et françaises. Située sur l’une des routes maritimes du commerce de la soie, elle fut l’un des principaux ports d’Asie du Sud-Est qui, au XVIIIe siècle, rassemblait marchands asiatiques, portugais et hollandais. On aime flâner au fil de ses étroites rues, de temples en pagodes – partout dans la ville, les bambous s’adossent aux murs des maisons ocre, jaunes et rouges. Le port de Hoi An a été florissant pendant plus de trois siècles, jusqu’au milieu du XIXe siècle, quand les échanges se reportèrent dans la rade magnifique de Tourane, rebaptisée depuis Da Nang – à trente kilomètres au nord. C’est là que l’on va prendre le train.
Le voyage jusque Quy Nhon est une expérience à part entière. L’accueil à la gare donne le ton : on est reçus dans un salon privé, où l’on se voit offrir du thé à l'hibiscus. Une fois le train entré en gare, l'équipe accompagne les passagers sur le quai. Le Vietage est en fait un seul wagon de luxe, attaché au Reunification Express, le train public qui parcourt plus de 1 600 kilomètres entre la capitale, Hanoi, au nord, et Ho Chi Minh-Ville au sud, le long du sinueux littoral vietnamien. Construite par les Français, la ligne de chemin de fer a été la cible de bombardements américains pendant la guerre du Vietnam ; le service a été rétabli après la réunification du pays en 1976. De l'extérieur, le wagon du Vietage ressemble au reste du train : un gris béton pâle strié de bleu, de rouge et de blanc. L'intérieur, en revanche, est une révélation : une version contemporaine de l'esthétique indochinoise, qui allie le bois chaleureux au rotin. Les douze sièges, répartis dans six cabines privées, ont le confort de fauteuils club, et l’intimité des cabines est protégée par des paravents en rotin et d'épais rideaux couleur crème. L'arrière du wagon est occupé par un bar en demi-lune où les cocktails sont préparés à la demande, ainsi que par une salle de soins où sont dispensés des massages apaisants.
Vietage train/Anantara
Alors que le wagon quitte la gare, les serveurs gantés de blanc officient, proposant des viennoiseries françaises et des cafés de grand cru. On regarde Da Nang défiler à travers les larges baies vitrées. Les interminables torrents de motos, scooters, vespas, vélos ; les cantines de rues qui envahissent les trottoirs, avec leurs foules d’hommes et de femmes attablés pour un pho, assis sur des tabourets de plastique de couleur ; les piétons qui vont zigzaguant sur les trottoirs encombrés… On regarde la ville s’éloigner et l’horizon urbain se fondre dans la végétation. Le train traverse des paysages urbains de plus en plus clairsemés qui prennent des airs de villages, avec leurs grappes d’enfants en uniforme qui s’en vont à l’école, leurs éleveurs qui mènent leurs bœufs et les femmes qui cultivent leur jardin. La ville s’estompe lentement, peu à peu remplacée par des rizières d’un vert étincelant, cernées de grands bananiers et de cocotiers. Des paysans s’y affairent coiffés de chapeaux coniques, pour se protéger de trop de soleil.
Vietage train/Anantara
Lentement, le train transporte les passagers à travers les paysages hypnotiques des rizières et des étangs de fleur de lotus. Il enjambe des rivières parcourues par des sampans, traditionnels bateaux de pêche en bois. Bientôt, il parcourt une campagne aux teintes émeraude – des buffles d’eau paissent tranquillement dans les prairies herbeuses parmi des aigrettes blanches comme neige, tandis qu’à l’horizon des montagnes boisées, voilées par la brume, laissent deviner la topographie de l'arrière-pays.
Bercé par ces paysages idylliques qui défilent par la fenêtre à 50 kilomètres/heure, on se laisse aller au rythme imposé par le train. Un massage et un déjeuner digne d’un restaurant étoilé viennent parachever ce sentiment de bien-être absolu. Ensuite, on s’abandonne entièrement à la langueur, emporté dans une rêverie dont la douceur rivalise avec celle des paysages qui défilent à la fenêtre.
On arrive pourtant en gare de Quy Nhon en début d’après-midi, et il faut quitter cette bulle hors du temps. On rejoint heureusement un autre refuge : une villa cernée de rizières, de rondes collines et de plages. La piscine privée à débordement fait face à la façade entièrement vitrée, qui surplombe la plage. La crique est cernée de frangipaniers parfumés et seuls quelques bateaux de pêche amarrés interrompent l'étendue infinie de la mer.
En pratique
Deux départs quotidiens ; 6 heures de trajet ; vitesse moyenne 50 km/heure.
Au petit déjeuner les viennoiseries sont françaises ; au déjeuner, l’assiette, vietnamienne, est digne des grands restaurants étoilés. Thés et cocktails alcoolisés ou non sont également servis.
Depuis mai 2024, un deuxième wagon de chemin de fer assure un trajet aller-retour quotidien entre Nha Trang et Quy Nhon, qui traverse de nombreuses zones côtières, dévoilant des baies magnifiques, face à la mer de Chine.
Par
MARION OSMONT
Photographie de couverture : Hien Phung / stock.adobe.com