La Croatie est si belle, que même lorsque les livres se concentrent sur l'aspect obscur de son histoire – ou de celle des protagonistes – la beauté du pays ne peut jamais être totalement mise de côté. Elle est là, avec le bleu de la mer, sa lumière franche et apaisante, ouvre toujours une fenêtre de rêve avant notre voyage.
1
2 saisons croates, Tome 1 : pelote dans la fumée
de Miroslav Sekulic
C'est un conte noir. Noir corbeau. Pelote, son vrai nom c'est Ibro. Il vit dans un orphelinat, entre un ville industrielle et une plage touristique. On l'appelle pelote, car il s'est enfermé dans son monde, tout emberlificoté. On suit son quotidien et celle de ses copains (vols, galères, prostitution, et j'en passe). C'est noir, et pourtant c'est empli de beauté, d’énergie puisée dans le bleu de la mer toute proche. Les dessins de Miroslac Sekulic, qui, avant d’être bédéiste est un peintre, sont sublimes, d'une précision chirurgicale et pourtant empreints de poésie. Alors, ensuite, on se précipitera sur le tome 2 : l'hiver / Le printemps. Noir aussi.
2
La martre et le léopard : carnet d'un voyage en Croatie
de Jean-Marie Laclavetine.
C'est un carnet de voyage, mais pas un carnet de voyage commun. C'est un voyage dans le temps, on y replonge dans l'histoire du pays. C'est un voyage au cœur de l'humain, l'auteur nous fait partager ses rencontres, observe leurs gestes et leurs immobilismes, leurs moues et leurs éclats de rire. C'est un voyage au delà des plages surpeuplées, dans les lieux délaissés des touristes, dans les campagnes et les banlieues. Du vrai voyage, du voyage vrai. Qui nous aide, à notre tour, à sortir des sentiers battus.
3
La dame de Zagreb
de Philippe Kerr
Plongeons nous dans les périodes glauques de l'histoire avec ce polar de Philippe Kerr qui se déroule entre l'Allemagne et la Croatie, entre Zagreb et Zurich. Nous sommes en 1943. Bernhard Gunther, SS, est chargé par Joseph Goebbels de rechercher le père disparu d'une belle actrice d'origine croate réfugiée en Suisse. Le père en question est un antisémite notoire, un sadique avéré qui dirige un camp de concentration. A travers l'histoire d'amour entre Bernie et la jeune star, le livre décortique les relations entre le régime nazi et les pays des Balkans – et l'attitude ambiguë de la neutralité suisse - , et aide à comprendre ce qui a mené à la guerre des Balkans 50 ans plus tard.
4
Palais en noyer
de Miljenko Jergovic
Elle est dingue, Regina Delavale. On le serait à moins : elle a quatre-vingt-dix-sept ans, et sa vue fut mouvementée : né au moment de l'effondrement de l'empire austro-hongrois, elle a vécu les guerres mondiales, la première Yougoslavie, monarchique, la seconde, née avec l'arrivée du communisme, qu'elle a vu grandir et péricliter, et la troisième, l'état fédéral formé en 1992, une espèce de chant du signe, suivi des guerres des Balkans, et la disparition définitive de la dernière Yougoslavie. Elle finit par mourir, en 2002, et on rembobine ses aventures, celle de sa famille et celle de son pays, et on vit à travers elle la grande et sa petite histoire, à travers ce beau roman qui prend le temps à rebours.
5
L'île noire de Marco Polo
de Aline Apolstolska
Joséphine Watson-Finn, archéologue est envoyée en mission en Croatie par l'Unesco. Elle découvre que, sur l'île de Korcula, celle qui a vu naître Marco Polo, se déroulent chaque année des cérémonies rituelles macabres. Douze homme séquestrent et violent de jeunes filles vierges – « en réunion », comme on dit maintenant. Les bébés qui naissent de ces viols collectifs sont ensuite enlevés, et nul ne sait ce qu'ils deviennent. Joséphine enquête, et nous, nous révisons avec bonheur nos notions de mythologie (on croise Cronos, Zeus, Héra, et Dionysos, dans ces cérémonies où les époques et les croyances s'entrechoquent) et nous découvrons, avant que d'y poser le pied, la beauté bleue de la côte dalmate.
Par
VERONIQUE DURRUTY
Photographie
BERTHOLD STEINHILBER/LAIF-REA