Une goutte de terre en forme de triangle, coincée entre Brésil, Argentine et océan : dans l’immensité d’une Amérique latine au sang chaud et aux géographies démesurées, l’Uruguay est un havre de douceur. Le pays où les gauchos murmurent à l’oreille des chevaux
« Un cavalier occupait la pampa dans son milieu Comme un morceau d’avenir assiégé de toutes parts. Ses regards au loin roulaient sur cette plaine de chair… ». Né en 1884 à Montevideo dans une famille, comme tant d’autres, débarquée du pays basque, le poète français Jules Supervielle ne cessa de chérir l’Uruguay. On le comprend. L’Etat hispanique le moins grand d’Amérique du Sud (à peu près le tiers de la France) dégage un charme fou. Jeune (sa constitution a moins de 200 ans), moderne (mariage gay et légalisation du cannabis), plat (le point le plus haut culmine à 514mètres), il n’en concentre pas moins toutes les mythologies latinos.
Stefan Boness/PANOS-REA
Posée dans la partie sud du pays en bordure d’estuaire du Rio de la Plata, cette Mer Douce, Montevideo la capitale domine une rade immense et des ramblas, concentrant plus de la moitié d’une population arrivée, pour l’essentiel, d’Europe au XIXe siècle. Sa gastronomie, nourrie de pasta italienne, de churros espagnols et de saucisses allemandes, en témoigne. Ses cafés aussi. Vieux, enfumés, littéraires, à l’image du café-librairie Puro Verso ou du Brasilero où l’on évoque jusqu’à point d’heure les poètes nés sur cette terre d’exil : Lautréamont qui célébrait « Montevideo la coquette » ou Jules Laforgue. Montevideo est une ville de nonchalance qui ignore le stress, classée parmi les 30 cités les plus sûres du monde. Les seuls fantômes que l’on y croise sont ceux d’une vie coloniale au sommet du romantisme. Une ambiance de carte postale ancienne partagée par sa petite voisine de la côte Est, Colonia, fondée au XVIIe siècle par les Portugais, un bijou conservé dans son jus, pile en face des gratte-ciel de Buenos Aires…
Cathrine Stukhard/LAIF-REA
De l’autre côté de la capitale, 135 km à l’ouest, voici Punta Del Este. Les riches Argentins y dénichèrent, à la fin des années 40, leur Riviera. Depuis, la cité balnéaire n’a cessé d’enfler, prenant des airs de petit Miami pour devenir le spot de la jet-set internationale et des hôtels de grand luxe. Fiesta à tous les étages. Les vrais riches préfèrent, à trente minutes de là, la quiétude et le charme du discret village José Ignacio dont les pêcheurs partagent chaque matin leur butin avec les lions de mer. En remontant sur la côte, voilà La réserve de Cabo Polonio avec ses drôles de rochers émoussés, puis les lagunes naturelles de la province de Rocha qui réservent d’autres délices : une palmeraie, des étendues infinies de sable fin, de plages vierges et de vent… Un fantasme pour surfeurs.
Giacomo Ciangottini/Fotolia
Mais l’Uruguay se vit aussi et surtout de l’intérieur. Dès que l’on tourne le dos à l’océan et que l’on suit le cours des cinq rivières d’eau claires qui abreuvent le pays viennent les doux plis de la Pampa. L’interminable campagne où galopent les chevaux, chantent les oiseaux et aboient les chiens est le règne des fiers gauchos. Une terre d’ombres longues et de nuits claires que les hommes aux éperons d’argent et au verbe rare arpentent sans fin, au rythme du souffle rauque du bétail. Au fur et à mesure que l’on monte vers le nord, les estancias se font plus vastes, les « parilladas » ces grillades de bœufs généreusement partagées, plus gargantuesques, le maté plus amer. Un rêve d’immensité pour un pays qui tient au creux de la main.
Par
GENEVIEVE BRUNET
Photographie de couverture
CATHERINE STUKHARD
LAIF-REA