Le nom Nicaragua est aquatique. Selon certains, il vient du nahuatl nic-Anahuac, que l’on pourrait traduire par « Jusqu'ici ensemble avec la mer. » Pour d’autres, le mot signifierait l’eau - agua - de Nicarao, du nom d’un grand cacique indien qui y régnait lors du débarquement des Espagnols. Moi, je l’aurais mis au pluriel, Nicaraguas. Car c’est un pays d’eaux variées.
Elles sont partout, sous toutes ses formes : lagunes, marécages, eaux transparentes des cayos piquetés de cocotiers, eaux des lacs grands comme de petites mers, eaux de mer calmes comme des lacs, eaux de rivières molles, eaux douces tumultueuses, eaux dormantes, noires, boueuses, qui rajoutent encore au mystère des forêts profondes, eaux cristallines, de ce bleu turquoise si pur dont la mer Caraïbe garde le secret.
Des eaux à découvrir avec sa planche de surf sur les grandes plages du Pacifique, en combinaison de plongée dans les récifs coralliens, en pirogue pour s’aventurer sur les petits canaux du cœur de la jungle tropicale, en maillot de bain et tongs pour traîner à fleur d’eau, entre sable et hamac, en croisière sur un bateau multi-mâts d’un autre temps en teck et acajou, ou, à l’inverse, çà et là, en bateau-taxi surpeuplé.
Entre les eaux, explorer les terres : la capitale Managua (Mana-ahuac, en nahuatl entourée d'eau), défoncée par le séisme de 1972, n’est pas la plus belle ville du pays, mais elle permet d’en prendre le pouls. La vieille cathédrale, échouée sur l’immense place de la République, n’est plus qu’une carcasse, mais, largement financée par Tom Monaghan, un magnat de la pizza américain, une nouvelle cathédrale a poussé, grandiloquente, munie de 63 coupoles. L’église Santa Maria de Los Angeles, elle, déroule sans complexe des fresques sandinistes qui miment une résurrection révolutionnaire.
La cité la plus belle, c’est Granada la coloniale (en vrac : Casa de Los Tres Mundos , demeure du XVIIIe siècle aux deux lions enchaînés, église San Francisco et son couvent du XVIe siècle, qui abrite également des pièces d’art précolombien, et le marché, et d’autres églises, et les ruelles, et les hôtels de charme qui poussent au farniente). En profiter pour découvrir l’archipel des Isletas, ou gravir les flancs du volcan Mombacho.
Léon est sa rivale. Fondée comme elle en 1524, et située à égale distance de la capitale, comme si Managua avait décidé de se poser là pour jouer les médiateurs, elle est résolument contestatrice, contre la conservatrice Granada. Les murales abondent (Sandino triomphant écrase l’Oncle Sam de sa botte), les joyaux coloniaux aussi : églises en pagaille, basilique baroque, et l’extraordinaire cathédrale, la plus grande d’Amérique centrale, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, dont la construction commencée au XVIIIe siècle dura plus de 100 ans.
Finir par un pas de danse, en rejoignant d’un coup d’avion les îles Maïs, à l’ambiance plus jamaïcaine que nicaraguayenne, les pieds dans l’eau, relax.
Par
VERONIQUE DURRUTY
Photographies
RONAN GUILLOU