Brésil

Brésil : les magies de Paraty

Brésil : les magies de Paraty

Entre Rio et Sao Paulo, ce petit port baigné par l’Atlantique est né il y a 350 ans. L’or lui offrit la gloire et l’UNESCO son éternité en l’intégrant au patrimoine mondial en 1966. Son ambiance romantique et sa grâce architecturale en font l’étape obligée des esthètes en quête d’histoire et de savoirs lors de leur voyage au Brésil.

 

Belles en Louboutin, passez votre chemin. L’empierrement des ruelles de Paraty est tellement inégal, pavés de toutes formes et dimensions, qu’aucun talon n’y résiste, que pas la moindre semelle n’en repart indemne. Quant à marcher pieds nus, on oublie, sauf à aimer marcher sur des lames de silex. Inutile de maudire les besogneux qui, il y a 350 ans tentèrent d’ajuster ces pavés. Ils ne faisaient que recycler le lest dont se débarrassaient les galions portugais qui venaient de traverser l’Atlantique à vide. La caillasse était alors remplacée par l’or extrait des filons du Minas Gerais voisin sans oublier d’ajouter quelques pochettes garnies de pierres précieuses. Les galions pouvaient alors mettre le cap sur Lisbonne ou Porto. Le rituel de la colonisation.

homme qui marche dans les rues de Parati

Alors, pour savourer pleinement Paraty, opter pour la paire de basket ou céder au charme de la sandale de cuir avec ses lanières découpées au cutter, tressées par les mamas installées sur le marché du matin. Ce sera la meilleure manière de défier ces ruelles d’un autre temps bordées de maisonnettes basses, un étage au maximum orné parfois d’un joli balcon de fer forgé, alignées comme un bouquet de fleurs de printemps. Jaune pâle voisinant avec un bleu céleste ou bien du vert amande, plus loin des volets et une porte de bois en rose clair, d’autres façades pourpre, marine, vert sapin ou blanc éclatant. Un régal pour les photographes comme pour les amoureux en plein exercice de selfies.

 

Ecolo avant l’heure

Entre deux habitations se glisse un atelier d’artisan, un café, une galerie d’art, un restaurant, la boutique d’une créatrice de mode ou de bijoux, une maison d’hôtes dont les chambres sont distribuées autour d’un patio au centre duquel chante la fontaine… Le tout reste sagement aligné le long de ces ruelles casse-pattes bordées par des trottoirs curieusement surélevés. Bien vu. Paraty a été pensée en 1667 par le colonisateur portugais, avec un système de voierie particulièrement ingénieux, presqu’unique au monde. A l’époque, il était révolutionnaire : construite juste en-dessous du niveau de la mer, la ville est chaque jour inondée par la marée montante puis nettoyée avec le reflux. Ecolo avant l’heure, gratuit pour les finances municipales, joli à regarder, réjouissant pour la pensée.

Ecolo avant l’heure à Parati

Dans l’édification de Paraty, rien n’a été laissé au hasard. Il est vrai que missionnaires et francs-maçons se sont en toute harmonie penchés sur ses premiers plans. D’où son profil en forme de demi-cercle, certains préfèrent évoquer  la coquille saint-jacques du pèlerin, et ses rues rectilignes. D’où également quatre églises pour une communauté qui, à l’origine, ne comptait qu’une poignée de maîtres servis par plusieurs centaines d’esclaves. D’où surtout, l’abondance des signes maçonniques gravés sur les façades : compas, tablier, œil, équerre, triangle, damier, etc. Mieux, à chaque carrefour, trois des maisons construites à chaque coin le sont sur un solide pilier de la sagesse. Mais pas celle du quatrième angle… Toujours laisser de l’ouvrage à un ouvrier de passage.

 

La villa d’Ayrton Senna

Aujourd’hui, Paraty dont le nom tupi désigne un petit poisson de la côte, une sorte de mulet, compte environ 40 000 habitants. Certains lui reproche de s’être figée façon carte postale des temps anciens. D’autres, les plus nombreux, saluent son esthétisme quasi parfait et son ambiance bobo-chic. A mi-chemin entre Rio (260 km) et Sao Paulo (290 km), elle règne sur la Costa Verde, une des merveilles du Brésil que les bonnes fortunes du pays ont vite fait de s’approprier. Il suffit d’embarquer sur un bateau promenade pour approcher les nombreuses criques où se succèdent les villas d’architectes (la plus photographiée est celle de la famille d’Ayrton Senna) ainsi que les yachts de millionnaires. Trop belle la vie, quand on est nanti.

villas d’architectes (la plus photographiée est celle de la famille d’Ayrton Senna)

Côté continent, voici des collines raides tapissées d’émeraude tropicale, percées de chemins qui ravissent randonneurs et cavaliers. Ils suivent les sentes jadis utilisées pour le transport de l’or puis du café, assurant les belles années de Paraty. Ces trésors y étaient en effet chargés sur les bateaux qui cinglaient vers Rio avant que les cargaisons regroupées soient acheminées vers l’Europe.

Côté continent, voici des collines raides tapissées d’émeraude tropicale

Côté Atlantique, la Costa Verde sème 65 îles à la nature soigneusement protégée. La plus grande, Ilha Grande, déclarée parc naturel, est interdite à la circulation, à la construction et même à la pêche. C’est dire si les randonneurs l’adorent. La plupart des autres affichent le même profil : végétation dense, plages désertes, eaux de cristal et criques d’aube des temps. Au maximum, un village miniature, quelques pêcheurs, une chapelle et un verre de cachaça, l’alcool local, pour faire connaissance et se réjouir d’une journée d’exception. Le temps coule soudain plus lentement, le silence se fait plus serein alors que le ciel se couvre d’or et de pourpre. Au secret de la mangrove voisine, l’aigrette, le héron et mille oiseaux de mer entament leur ballet du soir. La barcasse retenue ce matin pour rentrer à Paraty est fidèle au rendez-vous. On lui en voudrait presque. On allait oublier la date du retour. 

 

Par

JEAN-PIERRE CHANIAL

 

Crédits : ©Ignazio Sciacca/LAIF-REA ©Marta Nascimento/REA ©Michael Mohr/REDUX-REA ©Marta Nascimento/REA