Voyager c’est se confronter à d’autres imaginaires, à d’autres manières d’être. Le voyage place le voyageur au croisement de plusieurs perspectives, celle de sa propre vie, celle de ceux qu’il croise en chemin. Rencontre avec l’Autre, et avec d’autres cultures, le voyage permet de faire tomber ses préjugés et d’affiner sa compréhension du monde. Le voyage nous éveille à la diversité du monde, nous rend plus tolérants, et altruistes. Mais à un niveau global, quels impacts le tourisme peut avoir sur les processus de paix ?
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Avec plus d’un milliard de touristes voyageant dans le monde chaque année (contre 25 millions en 1950), le tourisme est devenu un phénomène social et culturel mondial qui engage les peuples de toutes les nations, en tant qu’hôtes ou visiteurs. Jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité, les hommes n’ont parcouru ainsi le monde, ni rencontré une telle variété de cultures. Ces liens nouveaux stimulent le dialogue et l’échange, réduisent les frontières culturelles, et facilitent compréhension mutuelle et respect. Les valeurs véhiculées par le tourisme participent à la construction d’un avenir pacifique. Dans un monde en bouleversements, la recherche de la paix exige des investissements toujours plus grands. La compréhension interculturelle devient de plus en plus nécessaire pour construire une meilleure connaissance de notre riche, fragile et interdépendante humanité.
Construire la paix dans l’esprit des Hommes
Pour l’Unesco, qui s’est donné pour mission de « construire la paix dans l’esprit des hommes et des femmes », il est déterminant de valoriser les avantages de la diversité culturelle - la culture étant ici considérée comme la façon d’être au monde, et la façon d’être en relation aux autres – et le tourisme en est un moyen. Des millions de voyageurs ont chaque année la possibilité de découvrir et visiter des sites inscrits au Patrimoine mondial, qui les relient à la beauté de l’histoire, de la civilisation et de la culture des autres. Partant du postulat que l’ignorance ou l’occultation d’évènements historiques majeurs constitue un obstacle à la compréhension mutuelle, à la réconciliation et à la coopération entre les peuples, l’Unesco a également initié des itinéraires de dialogue, telle la Route de l’Esclave. A travers des lieux, des sites et des musées liés à la traite des esclaves, l’institution onusienne souhaite contribuer à faire la lumière sur la traite négrière, qui a provoqué des bouleversements considérables, qui modèlent aujourd’hui nos sociétés contemporaines. Dans un tout autre domaine, on a, en Bosnie, avec la reconstruction du pont de Mostar et son inscription au Patrimoine mondial, un exemple concret de la façon dont la préservation du patrimoine initiée par des enjeux touristiques peut devenir un catalyseur à la réconciliation et la paix dans une région.
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Globalement, il s’agit pour l’Unesco de contribuer à une culture de paix et de la non-violence, en favorisant la réflexion sur le pluralisme culturel et le développement d’un tourisme respectueux, loin du tourisme de masse, consommation avide du monde et des cultures, qui ne se donne pas la chance de rencontrer l’Autre. Un tourisme sensible, qui s’inscrirait dans le cadre d’une vaste transformation sociale vers une culture de la paix.
Favoriser le développement et lutter contre la pauvreté
Le rôle que joue le tourisme à l’appui du renforcement de la paix se traduit également dans sa contribution à la lutte contre la pauvreté. Selon l’OIT (Organisation Internationale du Travail), en 2010, l’économie globale du secteur représentait plus de 235 millions d’emplois, soit 1 emploi sur 12. En 2010 on estimait que le tourisme avait généré près de 10% du PIB mondial. Le tourisme est une source majeure, voire la principale, de croissance, d’emplois de revenus et de recettes pour beaucoup de pays en développement à travers le monde – un secteur en première ou deuxième position dans les recettes d’exportations de 20 des 48 pays les moins avancés (PMA). Ses connexions sont importantes avec d’autres secteurs, agriculture, construction, services publics et transports qui contribuent à la lutte contre la pauvreté, notamment dans les zones rurales des pays en voie de développement. Les femmes sont fortement représentées dans le secteur : elles constituent près de 70% de la main d’œuvre, les jeunes également : la moitié de la main d’œuvre du tourisme a moins de 25 ans.
Dans les pays en voie de développement, on mesure trois principaux types d’impacts : le tourisme est pourvoyeur d’emplois, il participe au développement de l’économie locale, et génère des évolutions des environnements naturel et culturel. Ces impacts peuvent – et doivent ! – correspondre aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), notamment la réduction de l’extrême pauvreté (objectif 1), l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (objectif 3), et la préservation de l’environnement (objectif 7).
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Si le tourisme crée des emplois et contribue à la croissance économique, il ne constitue pas forcément une recette infaillible de lutte contre la pauvreté : il s’agit de savoir comment passer d’un tourisme de niche à un tourisme classique. Le tourisme devrait toujours être conçu de manière à ce qu’il profite aux communautés locales (création d’emplois, travail décent et dialogue social, renforcement des institutions communautaires, amélioration de l’accès aux infrastructure), et participe à la préservation des cultures et à la protection de l’environnement. Nous voulons promouvoir un tourisme conscient de sa puissance économique, et donc de sa responsabilité sociale, et qui contribue à la démocratisation des sociétés, dans les limites de ses opportunités, mais conscient du pouvoir des alliances. Parce qu’il y a interconnexion du tourisme et des éléments constitutifs de la paix, comme la justice sociale, les droits de l’homme, l’équité économique, le développement durable. Et parce que c’est la démocratie qui est la première voie pour la paix.