Entre deux océans, le Panama dévoile une nature souveraine, une géographie foisonnante et des horizons sans cesse renouvelés. Petit par sa superficie, mais immense par sa diversité, ce pays d’Amérique centrale conjugue le charme des quartiers coloniaux, l’audace des villes futuristes, les forêts primaires, les plages ourlées de corail, et les montagnes drapées de brume. Une terre de passage, mais surtout de contemplation. Chaque recoin, chaque sommet, chaque île est une promesse de beauté, d'aventure et d’harmonie.
Archipel des San Blas : les mille visages du paradis
Dispersées au large de la côte caraïbe, les îles San Blas – que leurs habitants nomment Guna Yala, « Terre Guna » – forment une constellation de près de 400 îlots, dont une poignée seulement est habitée. Ces nuées d’îlots posés sur un bleu presque irréel s’étendent comme un collier de perles flottant entre ciel et mer. Ici, tout semble suspendu : le temps, les gestes, les pensées. Le regard se perd dans l’horizon infini, on se laisse porter, sans résistance. On explore ces éclats de paradis en voilier, en paddle ou en kayak, glissant lentement entre les bancs de sable immergés, les étoiles de mer aux teintes orangées, et les raies qui ondulent dans le silence sous la surface. Le snorkeling devient un poème sous-marin : coraux fluorescents, poissons-anges, barracudas, anémones dansantes. La vie marine s’y révèle dans toute sa splendeur, à quelques battements de palmes des rivages.
Mais cet archipel n’est pas qu’un décor de carte postale. C’est avant tout le territoire des Guna – anciennement appelés Kuna –, peuple autochtone farouchement attaché à ses traditions. Leur société, matrilinéaire et autonome, veille à préserver son indépendance et son mode de vie en harmonie avec la nature. Les villages, faits de bambou et de palmes, vivent au rythme des chants rituels, de la pêche et des molas – étoffes brodées à la main, où s’entrelacent symboles et légendes. Explorer les San Blas, c’est s’offrir une parenthèse enchantée, retrouver le goût du silence, la beauté du simple, et le luxe rare de l’authentique.
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Volcan Barú : le sommet des possibles
Aux confins de la province de Chiriquí, le Volcán Barú, seul volcan actif du Panama, dresse sa silhouette souveraine à 3 474 mètres d’altitude. C’est le toit du Panama, mais aussi son cœur tellurique, battement profond d’une terre à la fois vive et paisible. Bien qu’endormi depuis plus d’un siècle, ce colosse veille, impassible, sur deux océans qu’il relie d’un seul regard. L’ascension débute souvent dans l’obscurité, lampe frontale allumée, cœur battant, guidé par les étoiles. Le sentier serpente à travers une forêt de pins tropicaux et de brume, où les arbres se parent de mousses épaisses, et où le silence semble amplifié par les nuages. Là-haut, quand le ciel s’éclaire entre deux continents, on peut apercevoir simultanément les eaux du Pacifique et celles des Caraïbes – prodige géographique à la beauté renversante.
Les voyageurs en quête d’adrénaline sillonnent à cheval ou à VTT des paysages changeants où se succèdent forêts primaires, clairières baignées de lumière et plantations de café à flanc de montagne. Au pied du volcan, la région de Boquete déploie ses charmes feutrés. Nichée en altitude, cette station prisée des botanistes et des randonneurs abrite des sentiers discrets menant à des cascades scintillantes, à des ponts suspendus qui dansent dans la brume, et à des jardins tropicaux où s’épanouissent orchidées rares, colibris en vol stationnaire et le fameux quetzal resplendissant, oiseau mythique des forêts de nuages. Chaque pas ici est une étreinte avec la nature, chaque souffle une redécouverte de soi.
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Parc national de Coiba : l’île secrète
L’île de Coiba, ancien pénitencier devenu paradis écologique, se dévoile à ceux qui recherchent l’exception, loin des routes balisées et des foules pressées. Accessible uniquement par bateau depuis Santa Catalina, cette île – la plus grande d’Amérique centrale – abrite un trésor de biodiversité inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Longtemps coupée du reste du pays, faune et flore se sont ici épanouies à l’abri des regards, comme préservées par l’ombre silencieuse du passé carcéral des lieux. Sous des eaux translucides, la plongée et le snorkeling ouvrent la voie à un monde foisonnant au cœur de flamboyantes forêts de coraux : tortues vertes glissant entre les courants, raies Manta en vol plané, dauphins joueurs, requins à pointe blanche, et parfois même, en saison, le souffle lointain des baleines à bosse.
Sur terre, la jungle dense abrite singes hurleurs, paresseux, tapirs et aras rouges. Les sentiers de randonnée serpentent à travers les mangroves, longent des rivières cachées, puis s’ouvrent soudain sur des plages désertes et des promontoires sauvages d’où l’horizon semble infini. Peu de lieux au monde offrent une telle alchimie entre isolement, nature indomptée et appel de l’aventure. Coiba n’est pas seulement une île : c’est un monde originel, intact. Un territoire d’émotions brutes, d’isolement choisi et de beauté indomptée.
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La vallée d’Antón : jardin suspendu
Lovée au creux d’un ancien cratère volcanique, la vallée d’Antón offre une parenthèse de fraîcheur et de douceur à l’écart du tumulte et de l’étreinte tropicale du Panama. Ici, l’altitude tempère les ardeurs du climat, et la nature compose un tableau apaisé, presque suspendu dans le temps. Les sentiers serpentent entre collines veloutées, forêts de bambous et flancs boisés menant à des merveilles naturelles comme la cascade d’El Macho, accessible par un pont suspendu, ou les pétroglyphes de La Piedra Pintada, vestiges gravés dans la roche par des civilisations précolombiennes. Le chemin menant à la Femme endormie – silhouette de montagne évoquant un corps alangui – est une marche douce, presque méditative, rythmée par les brumes du matin et les chants des oiseaux.
À pied, à cheval ou à vélo, on explore cette enclave bucolique dans un murmure de feuilles, de ruisseaux et d’ailes battantes. Les amoureux de la biodiversité peuvent s’aventurer jusqu’au sanctuaire écologique du Cerro Gaital, où autour des orchidées sauvages toucans, paresseux et grenouilles dorées composent une symphonie mélodieuse. Cœur vibrant de la vallée, le marché du village déborde de trésors : mangoustans juteux, ananas sucrés, fleurs éclatantes, mais aussi paniers tressés à la main, céramiques aux motifs délicats, sculptures de bois et savons aux essences naturelles. Une rencontre sans artifice avec la culture rurale panaméenne. La vallée d’Antón est une destination pour se ressourcer, renouer avec l’essentiel, et contempler un paysage digne d’un tableau impressionniste.
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Le canal de Panama : entre nature et démesure
Trait d’union monumental entre l’Atlantique et le Pacifique, le canal de Panama incarne l’ambition démesurée de relier les mondes. Chef-d’œuvre d’ingénierie, fruit d’un siècle de rêves, de labeurs et de sacrifices, il ne se contente pas de guider les navires : il redessine un territoire où la nature, loin de s’effacer, reprend ses droits avec éclat. À ses abords, la jungle du parc national Soberanía abrite un enchevêtrement de sentiers foisonnants, refuges de toucans aux becs éclatants, de paresseux immobiles et de papillons morpho aux ailes d’azur. Plus loin, le lac Gatún – vaste miroir né de l’ambition humaine – s’étire en un havre de silence. On y glisse en kayak entre des îlots secrets aux berges tapissées d’orchidées et de fougères, où seuls les singes capucins et les hérons semblent troubler la quiétude.
En parallèle du canal, le chemin de fer historique reliant Colón à Panama City longe cette fresque tropicale. Mangroves, forêts primaires, méandres d’eau douce : chaque cliquetis sur les rails réveille la mémoire d’un autre temps, celui des pionniers et des bâtisseurs. Ensemble, canal et voie ferrée tracent une double épopée – l’une sur l’eau, l’autre sur terre – où l’ingéniosité humaine épouse la majesté des paysages. Plus qu’un exploit technique, c’est une traversée du monde, un voyage au cœur d’un Panama où la nature n’est jamais reléguée au second plan.
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Bocas del Toro : éclats d’azur et murmures tropicaux
À l’ouest du Panama, l’archipel de Bocas del Toro flotte entre lagunes émeraude, plages ourlées de jungle et villages sur pilotis aux façades colorées. Composé d’une myriade d’îles et d’îlots, il déploie ses charmes avec la nonchalance d’un hamac tendu entre deux cocotiers. Les eaux turquoise se prêtent aux explorations en paddle ou en kayak, glissant au fil des mangroves parmi les palétuviers entremêlés, là où les dauphins croisent les reflets du ciel. Le snorkeling, notamment à Cayo Coral ou à Hospital Point, révèle un monde sous-marin fascinant : hippocampes furtifs, poissons-perroquets chamarrés, étoiles de mer échouées comme des éclats de lumière. Les amateurs de glisse trouvent leur bonheur sur les vagues indomptées de Bluff Beach ou de Red Frog Beach, écrins sauvages battus par les vents.
Sur Isla Colón, la vie s’écoule paisiblement au rythme des marées. À vélo, on rejoint des plages secrètes, des criques oubliées ou des restaurants suspendus au-dessus de l’eau. Plus sauvage, l’île de Bastimentos déroule ses sentiers ombragés à travers la forêt tropicale et ses villages afro-caribéens, où résonne encore le guari-guari, créole chantant et mémoire vive des communautés locales. À Bocas del Toro, tout s’accorde à la lenteur. Les journées s’égrènent au rythme du vent, les soirées s’étirent sous les étoiles, et les heures se fondent dans une douceur insulaire rare.
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Par
JÉRÔME CARTEGINI
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