Valérie Expert reçoit Jean-Pierre Chanial, journaliste spécialiste du voyage au Figaro, Flavia Coelho, chanteuse de musique brésilienne, Michel-Yves Labbé, directeur et fondateur de Départ Demain, Thibaud Perdrix, spécialiste Amérique Latine à Voyageurs du Monde, et Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde.
Un pays tout en contrastes
“Le Brésil, c’est seize fois la France, il n’y a pas un voyage au Brésil, il y en a mille ! On peut y aller dix fois et le miracle brésilien, c’est que chaque voyage est différent du précédent”, déclare d’emblée Jean-Pierre Chanial, avant d’encenser la différence marquante entre les villes brésilennes : “Manaos, la ville de l’Amazonie, dont la nuit noire avale aussi bien les sons que les couleurs, Sao Paolo, la ville tentaculaire et bien sûr, Rio, la porte d’entrée du Brésil” et les paysages : “les forêts, les montagnes et la grande nature”. Pour lui, comme pour les autres invités de Valérie Expert, le Brésil est un pays dont on ne vient jamais à bout.
La force et la joie de vivre d’un peuple
Mais ce ne sont pas seulement les lieux qui font du Brésil un pays contrasté, ce sont aussi les gens. “On a des personnes qui cohabitent, qui viennent de différents horizons, explique Thibaud Perdrix. Il cite la plage de Rio, “le lieu social par excellence où des gens de tous milieux sociaux se retrouvent en maillots de bain !” Les contrastes ne s’arrêtent pas à la plage, “à Rio, on va marcher, on va tomber sur une Favela, puis juste à côté, sur un quartier hyper riche et protégé. La mer cohabite avec la jungle. C’est un pays d’émerveillements et de chocs perpétuels”.
Flavia Coelho ajoute une dimension aux propos de Thibaud Perdrix : “La force de mon pays, ce sont les Brésiliens, qui restent forts et fiers malgré les hauts et les bas”. Jean-François Rial surenchérit, parle de moments forts vécus au Brésil comme l’élection de Lula à Olinda ou encore, la coupe du monde de football et le carnaval de Rio. A chaque fois, il a ressenti chez les Brésiliens, “une joie de vivre permanente, que l’on soit riche ou pauvre”, une joie de vivre que l’on retrouve aussi dans la musique, dans la cuisine et dans la langue : “C’est la plus belle au monde. Quand on les entend parler, on sent qu’ils sont contents, joyeux, et franchement, au Brésil, on se sent toujours bien !”
Michel-Yves Labbé partage le même sentiment d’émerveillement pour la force du peuple brésilien. “Il y a déjà 35 ans, ils étaient déjà d’une force et d’une puissance incroyables. Je ne comprenais pas pourquoi ils en étaient encore à un tel stade. Je pensais qu’ils pouvaient bouffer les Américains, avec leurs matières premières, l’élevage, tout… et aussi avec l’amour de leur pays !” Il constate pourtant qu’il y a toujours “un truc qui ne marche pas” comme la corruption. “C’est dommage, il y a une telle force dans les entrailles de ce peuple”, s’émeut-il.
La question de la sécurité
Valérie Expert met un bémol à l’enthousiasme de ses invités en posant la question de la sécurité. Depuis les Jeux Olympiques et la coupe du monde, Thibaud Perdrix parle d’amélioration. “Il faut quand même faire attention, comme dans toutes les villes d’Amérique Latine. Il ne faut pas porter de bijoux voyants, pas de chaîne sur un torse nu”. Pour Michel-Yves Labbé, le Brésil est un pays dangereux depuis très longtemps. Il raconte l’histoire de l’actrice Sarah Bernhardt qui, en 1905, à la suite d’une représentation de La Tosca, à Manaos, y perdit une jambe : “A la fin de la pièce, elle se suicide, elle saute, et les Brésiliens, qui devaient faire autre chose, avaient oublié de mettre des matelas… Déjà, à l’époque, le Brésil était dangereux !”
Jean-Pierre Chanial et Flavia Coelho évoquent aussi la violence sociale, surtout dans les grandes villes. “A Sao Paulo, après 18h, c’est poignant le nombre de personnes qui vivent dans la rue, qui se l’approprient. Quand cette armée de l’ombre va se lever, cela va être un gros problème pour Sao Paolo et peut-être même pour le pays”, s’inquiète Jean-Pierre Chanial. Flavia Coelho profite de la conversation pour donner un conseil aux voyageurs : “Il ne faut pas aller au Brésil en pensant aller visiter un zoo, il faut laisser les communautés tranquilles que ce soit dans les favelas ou chez les Indiens d’Amazonie”.
Sao Paolo, ville synthèse du Brésil
La conversation se poursuit autour des grandes villes du Brésil et naturellement sur Sao Paolo, qui a beaucoup plus à offrir que sa triste misère nocture. “C’est la ville qui me fascine le plus, déclare Thibaud Perdrix, j’avais un très mauvais a priori sur cette ville - dangereuse, industrielle…- et en fait, c’est une synthèse du Brésil. Il y a du travail, et donc un mélange latino absolument incroyable : des Boliviens, des Péruviens… C’est aussi la ville du design, de l’architecture, de la mode et ça bouge !”, une affirmation que Flavia confirme : “C’est une ville qui ne dort jamais !”.
Pourtant, c’est une ville décriée, “un peu comme Johannesbourg et Los Angeles, constate Jean-François Rial, alors que ce sont des villes extrêmement intéressantes, socialement et culturellement”. “Oui, il y a beaucoup de résidences d’artistes à Sao Paolo par exemple, c’est de là que partent beaucoup d’influences”, rebondit Thibaud Perdrix. Pourtant, il faut en posséder les clefs, des clefs que Voyageurs du Monde fournissent : “Grace à notre réseau Voyageurs du Monde, on peut être mis en contact avec un architecte, un designer, quelqu’un dans la mode et rentrer un peu plus dans la vie des gens”.
Rio, l’incontournable
A propos de clés, les invités de Valérie Expert insistent sur le fait que Rio est une ville incontournable et qu’elle est la porte d’entrée du Brésil. Pour Jean-François Rial, “Rio, c’est la plus belle ville au monde : les collines, la mer, les baies, la forêt primaire… C’est exceptionnel ! Allez passer une semaine à Rio dans un hôtel ou un appartement, allez courir le matin sur la plage, manger dans un resto sympa, et visiter un lieu culturel comme celui de JR en haut de la Favela de la Providencia… On ne s’y ennuie jamais, c’est une ville époustouflante”. Et pour rendre la découverte de Rio encore plus formidable, une nuit au fameux Copacabana Palace hotel s’impose.
Le Nordeste
“A Voyageurs du Monde, on est fou de Salvador, on a même un petit hôtel dans un ancien bâtiment colonial, une petite merveille sur la place San Francisco, la Villa Bahia”, se targue Jean-François Rial. La conversation dévie sur l’état de Bahia, sur le Nordeste et sur la ville de Sao Luis, la plus belle selon Flavia Coelho, “c’est aussi la ville de ma mère, et là où des Français se sont installés”. Valérie Expert poursuit sur l’art de vivre de plus en plus développé et mentionne notamment un nouveau concept, celui de pousadas dans des villages de pêcheurs, près de Paraty. “Je n’ai vu ce concept qu’au Brésil : certaines maisons de pêcheurs sont aménagées en petits hôtels, on vit au milieu du village”, explique Thibaud Perdrix. Tandis que Valérie Expert vante les mérite des pousadas de Picinguaba, Jean-François Rial fait l’éloge d’un petit hôtel du même type, Uxua, à Trancoso. “On donne sur le Quadrado, la place centrale du village et à 200 m, on a la plage”, décrit-il avant de qualifier Uxua de “meilleur de l’hôtellerie au monde et d’Air BnB en même temps !”
Pourtant, Michel-Yves fait la moue, diverge sur ce “tout en un” pour trois raisons : “d’abord, il y a des marches pour aller à la plage, et puis, il n’y a pas de clim, ce n’est pas tant à cause de la chaleur mais des moustiques ! Enfin, être dans un tout petit village, c’est très bien mais quand tu as le mec qui part à 5h du matin avec sa mobylette pourrie, ça réveille tout le monde, c’est moins marrant !”
Le Brésil balnéaire
Chacun ses goûts, et ce ne sont pas les plages et les spots balnéaires qui manquent au Brésil. Jean-François Rial est un amoureux des plages du sud du Brésil à la frontière de l’Uruguay : “Vous êtes dans le far west de la plage, tout seul”. Thibaud Perdrix est du même avis et fait part aux auditeurs de l’un de ses endroits préférés, la Praia do Rosa, près de Florianopolis, “une plage de surfers où règne une espèce d’art de vivre, avec des collines en arrière-plan d’où on peut même apercevoir les baleines !” Alors que Valérie Expert lève le voile sur une de ses destinations préférées, Boipeba et son atmosphère “Robinson Crusoë”, Jean-Pierre Chanial ramène à une autre réalité des plages brésiliennes, celle de défilés de maillots de bain comme on n’en voit nulle part ailleurs !
L’Amazonie
Cap vers la forêt et Manaos, “une super porte d’entrée sur l’Amazonie”, commente Thibaud Perdrix. Il rassure ensuite les auditeurs sur le danger “moustiques” : “le Rio Negro et le Rio Tapajos ont la caractéristique d’être acides. Ce qui fait fuire les moustiques !” Jean-Pierre Chanial est aussi convaincu que Manaos vaut le déplacement : “C’est l’émotion de la forêt, de la nostalgie, c’est le fameux opéra construit par les grandes fortunes du caoutchouc, qui se sont dit qu’à force de s’ennuyer au milieu des caïmans et des piranhas, ils pourraient faire venir des stars !” La moiteur de l’endroit, son opéra surréaliste sont aussi des éléments qui ont séduit Michel-Yves Labbé. Mais les avis divergent à nouveau. Jean-François Rial critique Manaos, la voit comme “une ville un peu décharge, qui a grandi de façon anarchique, hostile”. La forêt non plus ne l’impressionne pas : “Elle est beaucoup moins spectaculaire que celle de Rio, c’est une forêt où il faut être un expert en botanique pour comprendre son éco-système. Et si on n’y va que pour du visuel, il y a une espèce de brume permanente, une eau noire…”
Il est pourtant le seul à broyer des idées noires sur l’Amazonie. Thibaud Perdrix parle de balades de nuit avec des piroguiers à la recherche d’yeux de caïmans, de virées baignades à bord de l’Amazon Dream, - un magnifique bateau en bois avec des guides francophones-, de balades à la rencontre de communautés qui vivent le long des fleuves avec lesquelles on échange de bons moments comme des parties de dominos. Mais attention, Jean-François Rial et Thibaud Perdrix mettent en garde les auditeurs : “En aucun cas Voyageurs du Monde propose des visites de villages indiens. C’est insupportable !”, s’indigne Jean-François Rial.
Brasilia, la brutaliste
Loin de la moiteur et de la brume amazoniennes, Valérie Expert interroge ses invités sur Brasilia : “La capitale du Brésil vaut-elle le détour ?”. Tous approuvent en ajoutant cependant qu’il faut porter un intérêt certain à l’architecture brutaliste ! “Il n’y a en effet qu’une ville comme Brasilia dans le monde entier”, certifie Jean-Pierre Chanial, avant de souligner qu’il s’agit d’une ville invivable : “Impossible de trouver un bistro, des placettes pour communiquer. C’est l’anti-Brésil, le contraire de la convivialité, de la communication immédiate, des histoires d’amour… La preuve : tous les vendredis soirs, les fonctionnaires qui vivent à Brasilia fuient la ville !” Michel-Yves Labbé en rajoute : “Quand vous êtes ambassadeur et qu’on vous propose le Brésil, c’est la purge !”
La cuisine et la musique : melting-pots incroyables des influences du Brésil
Il est temps de retourner au Brésil convivial, à sa joie de vivre, de manger, de danser, de chanter . “Sachant que le salaire moyen minimum tourne autour de 220 € par mois, le coût de vie ne peux pas être exhorbitant, mais il existe des prestations - comme prendre une voiture avec chauffeur - qui peuvent être onéreuses”, explique Jean-Pierre Chanial. Selon Flavia Coelho, “tout dépend de son train de vie. Rio est devenue très chère, notamment les restos. Mais il faut savoir une chose : les portions sont tellement copieuses qu’un plat pour deux suffit amplement”. Elle enchaîne sur la richesse de la cuisine brésilienne : “le Feijoada, tous les plats de poisson, la viande, les fruits et toutes les graines qu’on jette par terre et qui poussent ! Et surtout, l’eau de coco pas chère au réveil : ça n’a pas de prix !”. Jean-François Rial l’accompagne dans son enthousiasme : “Ce qui est génial dans la cuisine brésilienne, c’est qu’elle est le symbole absolu de ce qu’est ce pays : un melting pot incroyable d’influences portugaises, africaines, italiennes, européennes, japonaises et libanaises”. D’ailleurs, tous s’accordent à dire que les sushis brésiliens sont des merveilles culinaires.
C’est aussi à partir de toutes ces influences que la richesse de la musique brésilienne est née. “Mon départ du Brésil en 2006, c’était pour comprendre la musique de mon pays, les influences d’Afrique, d’Asie, des instruments à corde d’Europe, du Portugal, de la Samba puis de la Bossa Nova. Je voulais créer ma propre musique et ne pas m’enfermer dans la Bossa Nova par exemple”, explique Flavia Coelho. Une musique que Thibaud Perdrix - qui adore prendre un cours de musique à chaque voyage - apprécie particulièrement et qualifie de “musique moderne brésilienne, réinventée, avec des influences reggae”.
La carte postale de Stefan Zweig
Michel-Yves Labbé s’excuse de ne pas connaître le Brésil aussi bien que les autres invités de Valérie Expert, alors il choisit de lire les mots touchants d’un de ses “proches amis”, l’écrivain autrichien Stefan Zweig, “à tel point passionné par le Brésil qu’il y mit fin à ses jours”, ironise Michel-Yves Labbé. Il raconte qu’un jour en roulant de Salvador à Rio, le long de la grande route qui longe la mer, il s’est arrêté pour regarder la carte et que, face à lui, se tenait une plaque dédiée au grand écrivain. Ce sont donc les mots de Zweig que Michel-Yves Labbé lit avec émotion pour conclure cette émission, une ode à la ville où “la nature réunit dans un tout petit espace tous les éléments de beauté qu’ailleurs elle distribue parcimonieusement sur des pays entiers”. Une carte postale magnifique que seuls la voix et la musique de Flavia Coelho peuvent co-signer, pour terminer en beauté cette émission dédiée au Brésil.