118 îles et 84 atolls, 5,5 millions de km2. Il y a beaucoup à découvrir
Avec : Léopold Aries, directeur Iles Caraïbes, Océan Indien, Océanie chez Voyageurs du Monde, Jean-Pierre Chagnal, journaliste et écrivain, Emmanuel Cohen, directeur adjoint de Voyageurs du Monde, Michel-Yves Labbé, président de l’application Départ Demain.
Une réalité à la hauteur des clichés
Valérie Expert lance Léopold Aries sur les idées reçues. “C’est une destination qui véhicule un mythe, depuis Bougainville, quand les missionnaires sont arrivés sur ces îles et que le peuple polynésien les a accueillis de manière extrêmement étrange par rapport aux autre endroits de la planète : avec des femmes quasiment nues qui jetaient des pétales sur eux ! Il en est resté un sens de l’accueil poussé. Quand nos voyageurs rentrent de Polynésie, ils parlent d’abord des gens, de leur gentillesse incroyable”, explique-t-il. Jean-Pierre Chagnal ne connaît personne qui revient de Polynésie déçu : “D’abord, ça coûte tellement cher que ce serait vraiment dommage, constate-t-il en suscitant des rires autour de lui, tous reviennent avec le sentiment d’avoir découvert quelque chose d’exceptionnel et qui correspond au mythe qu’on leur avait conté et aux images qu’ils s’en faisaient : le bleu, les cocotiers, les lagons à perte de vue et la nature polynésienne. En tahitien, il y a par exemple 10 à 20 mots pour dire “la mer”, selon qu’elle agitée, poissonneuse… et autant de mots pour parler du vent. Il y a une sorte d’adéquation, d’immédiateté avec la nature qui a traversé les siècles. On vit d’amour et d’eau fraîche, c’est un peu le principe des îles”.
©M lenny/E+
Quand y aller ?
Après cette belle dose de rêve, de mythe et de romantisme, il s’agit de savoir quand s’y rendre. D’après Léopold Aries, “cela peut être risqué d’y aller à Noël : les saisons sont inversées, l’été démarre en novembre jusqu’en février-mars et il fait très chaud et humide avec de fortes pluies possibles. Sinon, dans l’hiver austral qui s’étend de juin à octobre, il fait 24º-25º et logiquement, il ne pleut pas”. Jean-Pierre Chagnal conseille de consulter les spécialistes voyage avant de partir, “ car le temps peut changer d’un archipel à l’autre. Les distances sont très grandes entre eux. La Polynésie s’étend sur 5,5 millions de km2, 118 îles et 84 atolls !
Un accueil décidément unique et exceptionnel
Michel-Yves Labbé ne connaît pas la Polynésie mais revient sur l’accueil. “Pour aller en Polynésie, on passe par Los Angeles, apparemment l’accueil américain n’est pas à la hauteur de l’accueil polynésien. Qu’en est-il ?” Léopold Aries répond que l’accueil à l’américaine et à la polynésienne sont même carrément opposés. Même si l’escale dure deux heures, “il faut avoir un formulaire ESTA dans la poche car vous changez d’avion. Avant, on vous parquait dans un espèce de bunker. Maintenant, ça s’est un peu amélioré. Puis vous prenez le LA-Papeete, vous êtes accueillis avec les youkoulélés, les danses… même s’il est 6h du matin. Et surtout par un nuage de senteurs, de frangipaniers, de bougainvilliers, c’est un vrai bonheur.”
Bruno Fert/Marie Claire/Picturetank
Du coup, Valérie Expert pose la question de savoir si ça vaut vraiment le coup d’aller si loin. Emmanuel Cohen prend la parole : “Dans l’esprit des gens, la Polynésie, c’est le voyage d’une vie, un projet longuement réfléchi. Des personnes plus âgées qui ont rêvé ce voyage toute leur vie. Aux Maldives, par exemple, on fait vite le tour des lagons. En Polynésie, non, et c’est le contact qui est important”. Il parle aussi de dépaysement absolu, de vivre le vrai luxe d’être dans des endroits sans personne… Jean-Pierre Chagnal souligne qu’il n’y a qu’à regarder le globe : “On est au bout du bout de la route. Ensuite, on revient sur ses pas… Ici le voyage atteint son terme, un terme exceptionnel”… qui relève sans doute du rêve, d’un voyage à part, du voyage d’une vie, du voyage de noces mythique.
Où voyager en Polynésie ?
Le voyage commence par Tahiti. “Est-ce que ça vaut le coup de s’y arrêter ?”, interroge Valérie Expert. “Oui, le temps d’aller au marché, d’aller au sud de l’île, rétorque Jean-Pierre Chagnal, beaucoup moins peuplé qui s’appelle le Pari, sans oublier l’intérieur, idéal pour les marcheurs. On remonte les vallées, au milieu des plantations d’orangers, de torrents et de petites cascades”. Il précise que trois jours suffisent car “malheureusement, l’île est polluée par d’incessants embouteillages, une urbanisation chaotique, un mode de vie qui ne correspond plus au charme des îles”. Un charme depuis longtemps oublié car Gauguin avait déjà trouvé Tahiti pervertie par l’homme blanc à la fin du 19ème siècle. D’où son départ vers les Marquises.
Ralf Kreuels/LAIF-REA
Après Tahiti, Emmanuel Cohen parle de Moorea, “une île très intéressante avec une partie terre où il y a énormément de belles choses à faire comme des randonnées dans les montagnes…” Il enchaîne sur d’autres îles un peu moins connues : Raiatea, Huahine, Taha’a, puis sur les acitivités que l’on peut faire en famille : “C’est une destination qui plaît aussi aux enfants parce que le contenu est varié. On parle de mer, d’activités très variées, de randonnés, de quad, de plongée et de masque et tuba, particulièrement aux îles Tuamotu, dans un endroit exceptionnel qui s’appelle Fakarava, la Mecque de la plongée…” Il faut cependant deux heures de vol pour s’y rendre et Emmanuel Cohen en profite pour préciser que les liaisons inter-îles avec Air Tahiti restreignent les bagages à 20 kg.
D’île en île en avion ou en bateau
La conversation évolue naturellement sur les déplacements d’un archipel à l’autre. Outre l’avion, on peut aussi se balader en bateau. Michel-Yves Labbé demande si l’océan est bon. Jean-Pierre Chagnal met les auditeurs en garde : “Il n’y a pas beaucoup de vent et il souffle de manière inconstante, souvent vous êtes au moteur et attention, il n’y a que trois bases nautiques : à Huahine, Morea et Raiatea. Vous pouvez louer n’importe quel type de bateau, généralement avec skipper et hôtesse. Attention, l’avitaillement vient s’ajouter au tarif assez élevé de la location du bateau mais l’expérience de navigation est magnifique”.
Nicolo Lanfranchi/LAIF-REA
Léopold Aries signale également l’existence de quelques paquebots de croisière, comme le Paul Gauguin, qui vous évite de prendre les lignes aériennes : “Vous naviguez de Tahiti à Morea, puis vers Huahine jusqu’à Bora-Bora, essentiellement dans l’archipel de la Société. Et puis il y a ce bateau, unique en Polynésie, l’Aranui, un cargo mixte, avec passagers et marchandises, qui est l’unique façon de découvrir tout l’archipel des Marquises. Il y a 2000 km entre Tahiti et les Marquises. Vous embarquez à Tahiti sur l’Aranui, ça dure quinze jours aller retour. C’est un voyage magnifique mais ce bateau est victime de son succès. Il faut réserver plus d’un an à l’avance…”
Les Marquises
Valérie Expert en profite pour faire une escale dans l’archipel des Marquises “qui n’est pas, selon Léopold Aires, un voyage pour tout le monde. On est loin des clichés de la Polynésie : c’est de la haute mer, des plages de sable noire, de la falaise abrupte. Les Marquisiens ne parlent pas le Tahitien mais le Marquisien”. Jean-Pierre Chagnal insiste sur le contraste entre l’archipel de la Société et les Marquises. Il parle d’une société autrefois violente, où l’on se battait vallée contre vallée, une société qui reste rude aujourd’hui dans une “nature très vive de sculptures de pierres, de forêts denses infestées de floppées de moustiques”. Selon Léopold Aries, on y va d’ailleurs pour ce mythe de la vie sauvage, un vie qui a trés peu changé depuis Jacques Brel - pour qui, aux Marquises, gémir n’est pas de mise, - et même depuis Paul Gauguin.
GIE Tahiti Tourisme/Xavier Lancry
Hors des sentiers battus
Valérie Expert ramène ses invités au coeur du sujet de l’émission en les interrogeant sur les destinations hors des sentiers battus : Pour Jean-Pierre Chagnal, l’atoll de Fakarava est, l’aboutissement d’un voyage en Polynésie : “On atterrit auprès d’un petit village de 400 habitants, avec une esplanade gigantesque, high tech, éclairée par une vingtaine de lampadaires qui ne sont jamais allumés. Et puis vous allez prendre un bateau vers le sud de l’île où il y a la pension Raimiti - qui signifie l’espace où se rencontrent la mer et la terre -, avec une vingtaine de bungalows. La pension est tenue par Eric qui a demandé au cours des années à ses clients d’empiler des morceaux de corail : du coup des totems sculptures ont vu le jour sur la plage ! Eric va vous emmener faire de la plongée vers un endroit où il n’y a que du sable rose…” Puis, Jean-Pierre Chagnal redevient romantique : “Sur ces langues de sable, les pieds un peu humides, peut-être vous allez lui prendre la main et lui dire : “Je t’aime”.”
©Armin Lehnhoff / Fotolia
Léopold Aires poursuit vers une autre forme de romantisme, celui de la vie à la Robinson Crusoë : “Partout sur l’archipel, on se sent comme Robinson, on a très vite un sentiment d’exclusivité, on est tout seul, hors des sentiers battus. Si vous faites des balades en bateau, vous pouvez très facilement vous arrêter sur des plages totalement désertes”. Il en profite d’ailleurs pour rappeler que 67% des habitants de la Polynésie vivent sur l’île de Tahiti.
L’hébergement
C’est bien beau la vie de Robinson mais Michel-Yves Labbé pose la question de la qualité et du prix des hôtels. Léopold Aries le rassure : “Malgré un panier très élevé, le rapport qualité-prix est bon. Pour un couple, il faut entre 12 000 et 15 000 € pour se rendre en Polynésie deux-trois semaines voire beaucoup plus si vous ne ciblez que des hôtels de grand luxe”. Jean-Pierre Chagnal parle d’hôtels rares, de bungalows sur pilotis, d’un service très original, “topissime” et d’une gastronomie “qui tient vraiment la route”. “La Polynésie s’honore aussi d’avoir deux ou trois hôtels qui sont dans le top du panier mondial, comme le Brando - 3500 € la nuit - sur l’île de Tetiaroa, un atoll qui appartenait à Marlon Brando et où Brad Pitt débarque régulièrement avec ses amis”. Jean-Pierre Chagnal profite d’ailleurs de l’émission pour faire un petit coucou à la petite-fille de Marlon Brando qui vit sur l’atoll et travaille à l’hôtel… Pour Léopold Aries, c’est tout simplement le plus bel endroit de la terre, “sur un lagon ahurissant, un atoll où il n’y a que cet hôtel. C’était le souhait de Brando de construire un hôtel écologique, où tout est quasiment recyclé.”
©Moorea Manava Beach Resort & Spa
Quant à l’investissement hôtelier en Polynésie, il existe selon Léopold Aries sans que de nouveaux hôtels soient cependant construits par manque d’espace. Il précise qu’en revanche, les hôtels sont souvent rénovés et changent régulièrement de propriétaires et d’enseignes. Il note également une amélioration de la qualité à laquellel “le sens inouï de l’accueil et la gentillesse ont toujours palié de toute façon.”
La carte postale de Michel-Yves Labbé : Détour par l’île de Pâques
Michel-Yves Labbé ne connaît pas la Polynésie française. Il triche donc un peu en décidant de parler d’une autre Polynésie, celle de l’île de Pâques ou Rapa Nui. “Vous êtes à 4000 km de Tahiti et pareil de Santiago du Chili, avec un vol par semaine depuis Papeete, et un par jour de Santiago”, commence-t-il avant de raconter l’arrivée sur ce bout de rocher volcanique au milieu de nulle part, balayé par les vagues.”On se demande même où l’avion va pouvoir se poser. La capitale de l’île, Hanga Roa, est un gros bourg qui s’étire le long d’une rue”, poursuit-il avant de la décrire comme une combinaison de planches et de taule ondulée où tout est lent et se demande comment on peut vivre si loin de tout : “Il n’y a même pas de port, les bateaux attendent au loin. Quand on pense que les premiers habitants sont venus des Marquises ou des Tuamotu au 12ème siècle sur des catamarans de roseaux, c’est incroyable !”. On vient jusque là pour les sculptures géantes qu’on appelle les Moaïs : “Il y en a 900 sur une île moins grande qu’Oléron et qui compte 3000 habitants ! Hauts de 4 m, les Moaïs pèsent facilement treize tonnes. Ils datent du 12ème au 15ème siècle et la plupart tournaient le dos à la mer, on ne sait pas pourquoi…” Michel-Yves Labbé raconte aussi comment au 18ème siècle, on les a retrouvés tous couchés, “probablement à cause d’un tremblement de terre ou parce que les locaux les ont couchés lorsqu’un nouveau culte est arrivé, celui de l’homme oiseau”…
©Tomas Munita/The New York Times/REA
Le récit devient de plus en plus fascinant quand Michel-Yves raconte l’histoire de ce culte : “C’est au village d’Orongo, où les portes des maisons sont si basses qu’il faut ramper pour entrer, qu’on célébrait le culte de l’homme oiseau. Une fois par an il s’agissait de descendre de la falaise, de nager jusqu’à l’îlot en face - 2 km -, dans une mer infestée de requins et d’attendre le premier oeuf de la saison des hirondelles de mer et de le rapporter. L’heureux gagnant - ou son sponsor - était alors un demi-dieu pour l’année”. Michel-Yves Labbé conclut avec d’autres pistes de balades : “le volcan de 600 m d’altitude et son joli lac au milieu ducratère, le musée anthropologique, le cimetière aux tombes de bois et aux guirlandes de fleur. puis la belle plage d’Anakena, avec un Moaï derrière vous pour surveiller votre baignade, le tout en logeant au Hanga Road Eco Village, luxueux et écologique construit dans le style des maisons locales…”