Accompagnée de spécialistes de la destination, notre rédactrice en chef Valérie Expert et ses invités, échangent autour de la culture, l’Histoire, les paysages, et idées de voyages hors des sentiers battus aux Etats-Unis. Avec la participation de Chantal Hascoet, spécialiste des Etats-Unis à Voyageurs du Monde, Jean-Pierre Chanial, journaliste spécialiste du tourisme au Figaro, Michel-Yves Labbé, fondateur de Départ Demain également ex-Président de l’office de tourisme des Etats-Unis en France, et Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde.
L’Amérique des voyages
Comment décide-t-on d’un voyage aux Etats-Unis ? Telle est la première question de Valérie Expert à ses invités. “Ca dépend si on y va pour la première fois ou si on est un répétiteur”, commence Jean-François Rial. Pour lui, c’est un pays de voyages à répétitions et il est difficile de ne pas commencer par les grands classiques comme New York, San Francisco, Los Angeles ou les grands parcs. Cela dépend aussi des goûts : “Quand on est passionné de villes, Chicago est incroyable. Je l’ai visitée avec un architecte pendant deux jours, c’est délirant ! Louper Chicago c’est comme les gens qui vont en Inde et qui loupent Calcutta !”
Pour ceux qui préfèrent les déserts, la nature, les parcs, il y a bien sûr les grands classiques de l’ouest américain, “mais on peut aussi descendre un peu au sud, suggère Jean-François Rial, dans des zones incroyables comme celles de Breaking Bad au Nouveau-Mexique”…
… le Nouveau Mexique dont tous les invités de Valérie Expert raffolent. Michel-Yves Labbé ne comprend d’ailleurs pas pourquoi ses compatriotes n’y vont pas. “Il y a tout là-bas pour les Français : la culture, une lumière extraordinaire, l’architecture des Pueblos, il y a le Rio Grande et son fameux pont, Taos qui est une ville magnifique. Je suis prêt à parier que quiconque va au Nouveau Mexique en revient émerveillé”.
Ce n’est pas la seule destination qui émerveille les invités de Valérie Expert. Toutes les deux minutes, chacun sort un nouveau nom de son chapeau et en tout un voyage ! “Je suis convaincu que la géopolitique mondiale qui conduit les gens à ne plus voyager dans des pays proches du sud de la Méditerranée à l’heure actuelle, va les conduire à aller dans des zones qu’ils considèrent à tort ou à raison comme “safe” et les Etats-Unis tout comme le Canada vont devenir des eldorados de voyages de répétiteurs”, analyse Jean-François Rial.
Donald Trump freine-t-il le tourisme ?
A condition que l’investiture de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis ne change pas la donne ! “Dans les jours qui ont suivi l’élection, on a eu des abandons de projets, des reports de voyages mais pas d’annulations”, se souvient Chantal Hascoet avant de constater que la tendance a récemment évolué vers une “empathie et une sympathie pour le peuple américain suite aux manifestations post-électorales”. Michel-Yves Labbé est d’accord : “Il serait dommage de pénaliser les Américains. De toute façon, là où les Français vont : New-York, la Californie et même la Floride sont des endroits qui ont voté pour Hilary Clinton”. Même s’il ajoute qu’il ne faut pas se leurrer et que ce qui compte énormément c’est la valeur du dollar par rapport à l’euro, il s’attarde sur le caractère sympathique des Américains.
De bons tuyaux pour bien arriver et bien voyager aux Etats-Unis
“Sympas, certes, mais une fois qu’on a passé la douane !”, précise Chantal Hascoet. “Ils sont insupportables ces types”, accentue Jean-François Rial. Heureusement les répétiteurs de voyages outre-Atlantique que sont les invités de Valérie Expert ont fini par élaborer des subterfuges pour rendre l’arrivée sur le sol américain moins pénible : “Voilà un bon plan : vous passez par l’Irlande et par la douane à Dublin. Du coup, vous arrivez à Kennedy Airport en “domestic” sans douane à passer”, explique Michel-Yves Labbé. Jean-Pierre Chanial propose une autre option : passer par Philadelphie où l’aéroport est visiblement plus sympathique et en profiter pour découvrir la ville. “Vous attendez vos bagages pendant vingt minutes, vous passez la douane pendant vingt minutes, vous avez gagné un temps fou ! Et le stress en moins. Franchement, arrivez par Philadelphie, profitez-en pour passer deux jours à visiter la ville avant d’aller à New York. qui n’est seulement qu’à une heure et demi de train”. Jean-Pierre Chanial vante la beauté des 3600 “murals” de la ville : des façades transformées en oeuvres d’art par des artistes et des graffeurs. Il mentionne aussi le Musée Rodin, la Fondation Barnes et une vieille librairie tenue par le mari de la romancière de polars Patricia MacDonald… L’auditeur est convaincu par un détour à “Philly” !
Philadelphie - Pennsylvanie
Autre conseil de Michel-Yves Labbé : choisir son horaire d’arrivée en fonction des heures de pointe à JFK. Il semblerait qu’il y ait en effet des heures plus creuses pour passer la douane. Chantal Hascoet conseille la classe “premium” pour certains vols qui peuvent être un peu longs. Jean-François Rial est dubitatif, surtout sur Air France, “où on est particulièrement mal assis”. La conversation s’anime alors autour des compagnies aériennes américaines encore bien en retard par rapport à Air France ou aux compagnies du Golfe mais les convives de Valérie Expert saluent toutefois les efforts de Delta et American.
Des efforts que l’on retrouve dans le domaine de l’hébergement, notamment dans le milieu de gamme : “Avant, il n’y avait que des hôtels fonctionnels, maintenant il y a des hôtels sympas”, souligne Jean-François Rial. “Par contre, les Américains ne savent pas isoler ! Ils s’en foutent ! Ils sont habitués”.
Enfin, il faut se méfier des distances. Chantal Hascoet cite l’exemple du Yellowstone, aussi grand que la Corse ! “Vous n’allez donc pas y passer une seule nuit, mais plusieurs.” Jean-Pierre Chanial acquiesce tout en vantant les mérites de la conduite aux Etats-Unis, “tranquille, sans agressivité tout en sachant que si une voiture de police vous suit avec des lumières rouges et bleues clignotantes, alors il faut s’arrêter et ne pas faire le malin !”.
Vivre son mythe américain
Une fois le souci du passage de douane écarté, le plus important est à venir : vivre son aventure américaine ! “On peut s’attaquer à son propre mythe, explique Jean-Pierre Chanial. Les Etats-Unis fournissent tout un éventail de possibilités. Quel que soit votre rêve : la musique, le cinéma, la Harley Davidson, le western, le bayou…, vous allez pouvoir le réaliser”. Jean-Pierre v enrobe son propos d’images dont celles d’un road trip à travers les Etats-Unis sur les routes du Montana, une caravane chromée Air Stream attachée au 4x4… Jean-Pierre Chanial n’a aucun mal à entraîner l’auditeur dans son rêve.
Il insiste aussi sur la vitalité du mythe américain “qui ne s’est pas effrité depuis une cinquantaine d’années”. Pour lui, la manière de rêver les Etats-Unis a transgressé les générations. “Aujourd’hui, les jeunes rêvent tout autant d’aller découvrir les Etats-Unis, d’y étudier, d’y vivre le mythe qu’ils ont dans la tête”.
Des villes branchées sorties de nulle part
Michel-Yves Labbé revient sur cette destination très peu prisée des Français qu’est le Montana. “Oui, les Etats-Unis, c’est un pays de rêves. A l’intérieur, on peut tout trouver. Il y a des routes sublimes dans le Colorado par exemple. Mais qui va dans le Colorado ? Même dans le Midwest et ce qu’on appelle la Bible Belt de tous les partisans de Trump, il y a un bled absolument incroyable qui s’appelle Branson, dans le Missouri”. Michel-Yves Labbé raconte l’histoire de cette ville devenue capitale de spectacles, de représentations théâtrales et de concerts, “tout cela parce qu’au départ, il y a une trentaine d’années, un groupe de musique en a eu marre de faire des tournées sur le territoire américain et a décidé que le public viendrait à eux !”. Un vrai succès puisque chaque année, Branson est la ville des Etats-Unis qui reçoit le plus de touristes en autocar : entre 30 et 40 millions. Jean-Pierre Chanial mentionne au passage la qualité des performances et parle de “spectre très étendu : de la comédie musicale au rock le plus dur en passant par du blues syrupeux ou soigné”.
Chantal Hascoet enchaîne sur la route du blues, qui à l’échelle des distances américaines n’est pas si loin de Branson. “Entre Memphis et Nashville, il y a cette petite ville, Clarksdale, berceau du blues où d’ailleurs Morgan Freeman a ouvert un bar. On y trouve encore ces fameux “Juke Joints”, des cabanes au sol en terre battue où on joue du blues le weekend”.
Dans la série villes branchées, les convives de Valérie Expert ne manquent pas d’exemples, les plus tentants les uns que les autres. Ainsi, Chantal Hascoet raconte le Detroit qu’elle a connu il y a vingt ans : “A l’époque, c’était déjà la population noire qui avait investi Downtown. Et il y avait ces bâtiments art-déco, ces baraques magnifiques qui étaient déjà transformés en parkings, en terrains vagues. C’était le début du Detroit actuel”. Aujourd’hui, elle parle de “quartiers neufs à côté de quartiers complètement détruits, de mixité intéressante, de gens qui quittent New York ou Chicago pour acheter de vieilles maisons, les transformer en bed & breakfasts, en bars, en restos et développer une économie communautaire”. Bref, Jean-François Rial confirme : “Plus branché, tu meurs !”.
Jean-Pierre Chanial, lui, revient sur son mythe du Montana. Il est particulièrement épaté par la ville de Missoula, “une véritable capitale littéraire au milieu de nulle part. Personne ne peut expliquer pourquoi, surtout dans un état peu démocratique où il n’y a pas si longtemps l’homosexualité était encore punie”. Chantal Hascoet fait le grand écart vers la Caroline du Sud et mentionne Asheville, “une ville investie par des artistes d’art contemporain, des portraitistes”, le tout dans un état où il y a aussi beaucoup à voir : des plantations de tabac aux architectures sudistes de Savannah en passant par les Blue Ridge Mountains.
“Et puis, il y a des villes dans les villes, ajoute Chantal Hascoet, des gens qui vont à New York pour passer une semaine à Brooklyn ou dans d’autres quartiers moins connus”.
De plus en plus de voyages à thèmes
On l’aura compris, le champ des possibles des voyages aux Etats-Unis est presque illimité. Du coup, les voyageurs optent de plus en plus vers des voyages à thèmes. Parmi les préférés des invités de Valérie Expert : l’Alaska “où l’on va d’abord pour voir les aurores boréales, notamment à Fairbanks”, précise Jean-François Rial avant de raconter une histoire truculente qui expliquerait le nombre important de Japonais sur place : “Une fois qu’ils ont vu les aurores boréales, ils rentrent vite se coucher car un enfant conçu après les avoir vues sera heureux toute sa vie !”.
Pour Chantal Hascoet, Alaska rime avec ours et sensations fortes ! “J’avoue que je n’étais pas rassurée au début. J’étais littéralement à côté des ours de Kodiak. Mais tant qu’on ne touche pas à leur sandwich - c’est à dire le saumon de la rivière -, c’est comme si on n’était pas là !”.
“L’Alaska, c’est aussi le paradis des pêcheurs de saumon avec des parcours exceptionnels”, ajoute Jean-Pierre Chanial qui décrit aussi l’Alaska comme une région où règne toujours l’ambiance américaine de la conquête de l’or et du pétrole, “avec des cowboys qui ne sont plus armés de Winchesters mais de 4X4 aux roues hautes de 2 mètres !”
Michel-Yves Labbé enchaîne sur l’histoire de cet état qui fut russe autrefois et garde dans ses villes côtières de belles églises orthodoxes. “Mais l’Alaska, c’est loin !”, intervient Valérie Expert. Jean-François Rial la contredit, il a une solution : “Vous pouvez prendre un vol via l’Islande. Vous partez de Paris vers 11h et vous êtes à Anchorage à 16h, heure locale”.
Outre l’Alaska, les convives de Valérie Expert évoquent d’autres thèmes : la route du blues revient sur le tapis mais c’est une destination qui pose problème quand on voyage avec des enfants ou des ados car les bars ne laissent entrer les jeunes qu’à partir de 21 ans. Autres grands voyages à thème et idéaux en famille : Hawaïï ou encore les Grands Lacs, en extension de Chicago et Milwaukee.
My Own Private Idaho and Minnesota
Une embardée vers l’intérieur du pays sur laquelle Michel-Yves Labbé rebondit : il se jette avec passion sur deux destinations qui lui sont chères : l’Idaho et le Minnesota. “Personne ne parle de l’Idaho. C’est un état extraordinaire. Vous avez un parc qui s’appelle “Crater of the Moon”, un canyon encore plus profond que celui du Colorado, la magnifique “Salmon River” sur laquelle on peut faire du rafting, la ville de Ketchoum, où Hemingway est enterré…” Quant à Boise, la capitale, Michel-Yves Labbé y garantit un dépaysement total : “Vous avez des Américains, des Américaines qui ressemblent à des personnages de western, pour de vrai !”.
Dans la même veine, il fait l’éloge du Minnesota, de ses 10 000 lacs, de Minneapolis où entre midi et deux, on va faire un tour en bateau et où on fait “les affaires du siècle” grâce à ses magasins et ses centres commerciaux discount. “C’est un état plutôt scandinave, où tout marche bien, où tout est clair”… “Et c’est aussi la ville de Prince, ajoutent Chantal Hascoet et Jean-Pierre Chanial, où l’on peut désormais visiter un musée qui lui est dédié”.
Weisman Art Center - Minneapolis
La carte postale de Michel-Yves Labbé : Volcans et Chateau Yquem à Hawaï
C’est sur la plus grande île de Hawaïï, qui porte d’ailleurs le même nom que Michel-Yves Labbé écrit sa carte postale du jour. Il emmène l’auditeur à Hilo au sud-est de l’île, “la ville où il y a le plus de tsunamis au monde”, puis à Volcano, porte d’entrée du parc national des volcans. Là, il conseille d’emprunter “une route géniale, une invention américaine : la “Volcano Drive In” qui fait le tour du cratère avec des points d’observation tous les kilomètres, car les volcans sont toujours en activité. A Volcano, il faut rester dormir et dîner, de préférence au Volcano Lodge, où le propriétaire est allemand et a une excellente cave pour arroser ses choucroutes et ses Strudels ! Michel-Yves Labbé avoue même y avoir trouvé une bouteille de Chateau Yquem pour 260 Dollars, une bouteille qu’il entama au dessert et finit en haut du cratère : “C’est fabuleux de déguster le spectacle de la nature tout en buvant ce qu’elle offre de meilleur” conclut-il.