Mentir comme un arracheur de dents
Gustavo Sanchez, commissaire-priseur bien sous tous rapports, exerce sa profession en honnête homme. Amoureux des objets et des histoires qu’il se plait à raconter en séances de ventes, il connait à chaque fois son sujet sur le bout des doigts. Il a quelques manies bien à lui, est fier de dire à qui veut l’entendre qu’après deux rhums, il imite Janis Joplin à merveille.
Allez donc savoir pourquoi, un jour, lui vient l’idée d’acheter aux enchères les dents de Maryline Monroe pour se les faire implanter et vendre ses propres dents en les faisant passer pour des reliques de Montaigne, Platon, Woolf, entre autres… Anecdotes personnelles, détails scientifiques, maladies… Il n’y va pas de main morte, ment à la perfection : ç’en est fini de l’honnêteté… Le public de la paroisse où se déroule la vente de sa vie est fasciné. Y compris Siddhartha, son fils, qu’il n’a plus vu depuis des années, et qui revient dans sa vie de manière particulièrement inattendue.
Si elle vit désormais à New York, Valeria Luiselli est sans cesse inspirée par le Mexique, son pays natal. L’humour et la folie qui se dégagent de ce roman en témoignent. Cet ouvrage, présenté comme une fausse autobiographie assumée, est plein de surprises et de clins d’œil littéraires. Le ton employé, détaché et factuel, fait de ce roman un véritable ovni littéraire, singulier, drôle et décapant.
L’Histoire de mes dents de Valéria Luiselli, Editions de l’Olivier, 19,50 €
Pénétrer dans ce Jérusalem interconnecté...
A travers cette œuvre magistrale et spectaculaire, merveilleusement traduite par Claro, on croise des époques et des temporalités diverses (du Moyen Âge au monde contemporain) où l'action se déroule dans cette cité céleste et originelle : Northampton, ou plus précisément les Boroughs.
On y suit ces humains abîmés, spectraux, que la vie semble avoir rassemblés dans cette cité Monde.
C'est dans un labyrinthe chamanique que le lecteur se laisse égarer, une sorte de Genèse, un "voyage vertical" comme dirait son auteur. Un endroit ou chaque mouvement et pensée égraine des empreintes vivantes.
Cette œuvre vernaculaire extralucide ausculte, suit, voire répare les vivants pour qu'ils continuent d'être.
Qu'il vous faille 2 semaines ou 10 ans (comme il aura fallu à Allan Moore pour concevoir ce texte brillant), plongez vous, lâchez le temps, perdez vous dans les ruelles de cette cité protéiforme...
Jérusalem de Alan Moore, traduction de Claro, Editions Inculte, 28€90
Chacun cherche son trésor
Humains et nature se contorsionnent follement dans ce texte d’apparence classique où 1er degrés et métaphore philosophique s’entremêlent et crépitent.
Voyager, que cela soit par loisir ou par nécessité, transporte toujours des espoirs, des rêves, des envies et c’est bien le terreau de ce Sucre noir caribéen.
Que ce soit la piraterie ou le romantisme, tout est exalté puis pillé. Une écriture sur brûlis en somme. Miguel Bonnefoy y a cultivé des champs de possible, de pistes, de pépites.
A vous de les saisir, à vous de laisser germer les idées qui naîtront de sa lecture !
Sucre Noir de Miguel Bonnefoy, éditions Rivages, 19,50€
Tunnel sur mesure
Presque 20 ans ont passé depuis l'évasion de Franz de Berlin Est en 1981.
Évasion rendue possible grâce à un tunnel de 188 mètres (creusé sur mesure !) et orchestrée d'une main de maître par le frère de ce dernier et une petite équipe. Lorsque Klaus, un des acteurs de la construction du tunnel est retrouvé mort 20 ans plus tard, son ami Peter décide de dénouer les fils de cette histoire, et se retrouve au cœur d'une intrigue bien plus complexe qu'il n'y paraît.
Qui a manipulé qui ? Pourquoi la NBC souhaitait filmer cette évasion ?
188 mètres sous Berlin est un roman d'espionnage brillant, dans lequel les différents protagonistes trimbalent chacun leur lot de mystères et d'ambiguïtés, c'est aussi un roman emprunt de l'histoire et de l'ambiance trouble de cette période.
Une des belles découvertes de cette rentrée !
188 mètres sous Berlin, Magdalena Parys, éditions Agullo, 22€