La plus grande des villes d’Australie cultive corps et esprits dans un cadre idyllique bordé par l’une des plus belles baies du monde. Dans le quartier de Bondi, entre un cours de fitness, un soin reiki et un latte curcuma, la vie glisse doucement, comme sur un long-board.
Sydney fait mentir les statistiques. Alors que l’Australie pointe dans le peloton de tête des pays en proie à l’obésité, que ses villes reculent doucement dans le classement des lieux les plus agréables à vivre de la planète, les Sydneysiders affichent haut et fort un mode de vie de plus en plus healthy, comprenez un esprit sain dans un corps sain. Il faut reconnaître qu’elle collectionne les atouts, à commencer par un cadre idyllique sur l’une des plus belles baies du monde.
Baromètre de la “australian way of life”, le quartier de Bondi donne le ton, dès l’aube. Impossible de commencer sa journée sans croiser une file de runners s’attaquant aux quatre kilomètres escarpés du “Bondi-Bronte”. Ce sentier côtier – à parcourir aussi en marchant – surplombe certaines des plages charismatiques de la ville (qui en compte une centaine au total). Tamarama Beach, surnommée Glamarama, est l’un des terrains de jeux aquatiques favoris des surfeurs et baigneurs matinaux. Autre point de ralliement : l’iconique piscine de l’Icebergs Club, posée à fleur des déferlantes. Un trait d’union entre la ville et le Pacifique, à l’image du quartier. Il est bien vu d’y enchaîner les longueurs avant d’attaquer sa journée. Sur l’eau, sous l’eau, sur terre, dans les airs : Bondi conjugue le sport tous azimuts. Les maisons d’architectes bardées de bois abritent des studios de yoga aux prestations diverses : ayurvédique, aérien (suspendu à un hamac)… La pratique dérive jusqu’à la mer pour une séance en équilibre sur une planche de paddle.
Prendre soin de son corps et de son esprit est devenu une préoccupation majeure, et différentes techniques y aident : le reiki, alliant méditation et relaxation, ou encore une thérapie holistique qui définit le sport le mieux adapté selon son signe astrologique. Plus surprenant, “l’Extreme Pool Training”, mis au point par le surfer hawaïen Laird Hamilton et consistant à faire des exercices de fitness en apnée… Le zuu fitness (prononcez “zou”, comme pour le zoo anglais), imaginé par l’Australien Nathan Helberg, entend, lui, libérer l’animal qui dort en vous en enchaînant de manière intensive les postures de l’iguane, du gorille ou de l’ours polaire…
Lauren Bamford
Une terre de baristas
Redescendu sur terre, il est temps de répondre à une autre question fondamentale de la culture australienne : “Wanna grab a coffee ? Let’s go brekkie !” Ici encore, il ne s’agit pas de prendre les choses à la légère. Café et breakfast sont deux piliers de la vie d’un Sydneysider. Depuis l’arrivée des machines à expresso, importées dès les années 1940 par les descendants des premiers immigrés italiens, l’élixir sacré a fait de Sydney – et de tout le territoire – une terre de baristas.
Ristretto, cappuccino, machiatto s’adaptent aussi à l’heure healthy : le latte est servi avec du curcuma et l’expresso se marie avec le kombucha (une boisson fermentée bonne pour la santé), devenant un “koboffee”.
Chou kale, oméga-3 et alimentation végétalienne
Autour du café, la table du petit-déjeuner australien, toujours aussi généreuse, s’est mise au diapason. À Bondi, bacon et saucisses laissent désormais place aux toasts d’avocat, de kale et de chou-fleur (grande star du moment) ; les jus pressés à froid composent avec les ingrédients locaux comme la prune de kakadu (riche en vitamine C), la myrte citronnée, et même le chanvre (source d’oméga-3). Dans les assiettes “brunchées”, les burgers troquent le steak de bœuf pour le jack fruit et sa chair tendre, les dumplings se fourrent aux champignons shiitake, tandis qu’au cœur des sushis, la tomate remplace le thon. L’alimentation “non cruelle” a le vent en poupe et le pays affiche la troisième plus forte croissance de population végétalienne au monde. Si la faune “bondisienne” puise sa forme sculpturale dans l’océan, c’est désormais en partie grâce aux algues – bleues, vertes, marrons, rouges. Un superaliment saupoudré à tour de bras.
Pour autant, les carnivores non-repentis trouvent encore leur place à des tables qui s’approvisionnent directement à la ferme, biologique of course. Et l’approche de jeunes chefs locaux, tel Josh Niland, initiateur du “nose-to-tail” (littéralement, du nez à la queue), montre la voie d’une consommation plus raisonnée consistant à limiter au maximum le gaspillage : “Si nous tuons un animal pour produire de la nourriture, nous devrions être obligés de l’utiliser autant que possible. Il s’agit de respecter la planète et tout ce qui y pousse et y vit. Ce que nous prenons dans les océans et les mers ne devrait pas être traité différemment de ce que nous prenons sur la terre”, souligne le trentenaire aux manettes de deux établissements (le restaurant de poissons Saint Peter et la boucherie de poissons et fruits de mer, Fish Butchery), situés à Paddington. Ce quartier et son voisin, Surry Hills, dictent également les tendances de Sydney.
Laissant à Bondi le soin de nourrir le corps, eux se concentrent plutôt sur l’esprit. Les anciens entrepôts de Surry hébergent galeries et studios – un mouvement initié dès 1994 par la Firstdraft Gallery, l’un des plus anciens collectifs artistiques du pays (aujourd’hui relocalisé à Woolloomooloo). Dans son sillage, la Tap Art et d’autres galeries dessinent le Williamsburg de Sydney. Échoppes vintage, salons de tatouage trendy et bars à vins de jour (en Australie, la vente d’alcool a la permission de minuit) complètent l’atmosphère et contribuent à donner à Sydney le visage d’une ville définitivement bien équilibrée.
Rhiannon Taylor
In the mood
Difficile d’élire sa plage préférée parmi la centaine que compte Sydney. Grande rivale de Bondi, situé au nord de la baie, la plage de Manly remplit son rôle d’outsider. Plus décontractée, il y règne un esprit surf bohème. Ambiance marchés bio, barbershops et barbecue (véritable culte du week-end australien). Mais c’est peut-être en prenant le large, sur l’une des onze plages de l’île-confetti de Lord Howe Island, que se trouve l’éden rêvé. Ce paradis à la nature préservée, adepte du tourisme durable, est un secret encore bien gardé, à environ deux heures de vol de Sydney. Autres quartiers dans l’air du temps : Newton, son air vintage et ses œuvres de street art ou encore Chippendale, cluster de modernité où l’on vient bruncher avant une expo à la White Rabbit Gallery et après une déambulation gustative et asiatique dans Spice Alley. Enfin, Sydney ne serait pas Sydney sans une balade sous les jacarandas du Royal Botanic Garden et au Museum of Contemporary Art ou encore un pique-nique entre la plage et le parc de Bronte ou dans la réserve de Barangaroo pour prendre un peu de recul et profiter de la vue sur le spectaculaire Harbour Bridge.
Lucy Laucht
Photographie de couverture : Lucy Laucht