Maroc

Le grand sud marocain, récit de voyage

Le grand sud marocain, récit de voyage

Ouarzazate et sa médina. Après ces dix jours passés au milieu des dunes, chaque murmure, chaque bruit de pas résonne étrangement dans mon esprit. Je trouve finalement refuge dans l’ancienne kasbah...

 

Jour d’exposition mais je ne peux me résoudre à y porter attention.

« Dessine moi un mouton » je me sens une âme de Petit Prince mais je n’ose le demander aux peintres de la forteresse …

Sur le rebord d’une fenêtre cinq petits carrés de bois, tout simples … trois traits de peinture bleue et le touareg semble y reprendre vie. Le peintre me scrute, l’œil amusé : « toi, tu rentres juste du désert ! Inch Allah, tu y retourneras ».    

Désert … le désert ! Un seul rêve : ne pas le quitter.

Me laisser encore surprendre par ce touareg enrubanné de bleu et sa caravane, surgis de nul part.

Abandonner mon corps au sable de la dune et contempler les étoiles… mais comment fait-il pour y tracer sa route ?

Regarder la lumière du matin envahir le bivouac, sentir sa chaleur intense me recouvrir, contempler l'infini soleil couchant et frissonner au froid de lune. Dessiner à nouveau mes traces de pas dans le sable, bien vite effacées par le vent.

Juste trouver mon âme d’enfant et partir à la recherche d’un trésor qui n’existe pas … Vraiment ? Il existe pourtant … si bien caché au cœur d’un écrin de sable : le Camp du Désert. Des tentes noires et blanches parsemées dans les dunes, décor irréel. Moment magique quand au soleil couchant les hommes du camp s’affairent à allumer les lampes à pétrole devant chaque tente.

Difficile alors de se rappeler la scène du matin, rumeur assourdissante de l’aérogare, course effrénée vers les comptoirs, passage obligé dans les boutiques … Et puis, l’avion lui-même semble hésiter. Se poser au bout de ce monde est peut-être inopportun ? Collés au hublot comme des enfants nous contemplons avec fascination l’étrange paysage.

Minéral, mais certainement pas austère. Canyons sans fin, soudain un lac immense, au loin la piste … Le sourire accueillant de Mohammed, la visite d’un ksar, les villages en pisée. Et puis au croisement que nous ne pouvions voir, cette piste introuvable et le silence soudain : La rencontre avec le désert.

Au bout du bout de la piste, notre guide nous indique un point à l’horizon, à la croisée des dunes et des oueds asséchés. A l’horizon une montagne, frontière bien fragile entre Maroc et Algérie … Ce soir nous dormons dans le désert … rêve de gosse devenu réalité. La tente nomade est féérique, son tissu lourd semble veiller sur nous. Plus étrange encore nous sommes ce soir conviés à un festin, le tajine et ses dattes fourrées sont sublimes, dîner à la chandelle sous la voute céleste … se rapprocher du bonheur absolu.

Mon étonnement n’est que plus grand lorsque quelques jours plus tard le chef nous propose un prodigieux cours de cuisine sous sa tente : le pain y est cuit au feu de bois et comme piano dernier cri un simple réchaud à gaz …

Il est vrai que le désert ne supporte pas l’artifice, il se suffit à lui-même … ils le savent bien ces Touaregs qui tiennent nos dromadaires, nous même commençons à devenir humbles.

Trek après trek autour du Camp du Désert nos guides partagent leurs connaissances … à nous de savoir écouter et de mettre nos corps au rythme de la nature. A nous de profiter de chaque pas dans le sable qui s’enfonce, à nous de ne plus essayer de comprendre mais juste … vivre le désert.

Le vent se lève sur le camp, les tourbillons de sable envahissent doucement la piste, la tempête nous enrubanne: sous la grande tente, avec nos guides …

Pour passer le temps, Djamilah nous raconte sa vie, son Maroc. Suspendus à son récit, tous unis dans un seul rêve: celui d'une tempête qui ne s'arrêterait jamais. Et pourtant le vent se tait, d’un coup … les dunes ont changé, notre univers s’est transformé, autre féérie. Nous descendons prendre un dernier thé à l’oasis si proche … quelques heures de marche peut-être mais personne ne pense à s’en plaindre, peut-être avons nous tous atteint l’impossible : prendre le rythme du désert ?

Un rêve, un seul, je ne peux m'en détacher : repartir, retourner au Camp du Désert ... En attendant, à quelques milliers de kilomètres de là, je contemple à la lumière du matin mes petits Touaregs peints sur des bouts de bois.... un peu de désert en moi.

 

 

Par

Gilles Marquis